Voilà un curieux objet cinématographique comme on aimerait en découvrir plus souvent. Black Sun raconte l'histoire du peintre Hugues de Montalembert qui a perdu la vue lors d'une agression dans son appart à New York. Pendant une heure de film, alors même qu'il nous compte par le menu son expérience et sa façon d'aborder avec philosophie sa nouvelle condition, on assiste aussi bien à des images triturées tentant de rendre compte de sa vision, de ses visions, qu'à un défilé de plans à teneur plus documentaire en Inde, en France, aux Etats-Unis, Hugues de Montalembert continuant de voyager après son accident. C'est po vraiment ce qu'on pourrait appeler un film d'action, soyons clair, mais on se laisse porter, transporter par cette voix qui sobrement revient aussi bien sur ses états d'âme après l'accident que sur des anecdotes de voyage particulières ou tout simplement sur sa conception de la vie : Hugues de Montalembert, plutôt que de s'éteindre moralement après un tel traumatisme, a continué à "voir" les choses de façon positive, à s'adapter à cette situation qui ne semble point tant, comme il finit par le reconnaître lui-même sur la fin, avoir totalement bouleversé sa vie ; ses réflexions, notamment sur les visions que porte tout artiste, apparaissent de ce point de vue comme particulièrement lucides et éclairantes... Gary Tarn, qui signe lui-même une somptueuse musique originale, livre un montage d'images particulièrement original qui pourrait presque parfois évoquer, quitte à chercher une référence ou une influence, certains travaux de Chris Marker. Les images viennent apporter une subtile correspondance avec les mots de ce véritable "voyant aveugle" et l'ensemble constitue un voyage esthétique - et au passage une petite leçon de vie - des plus vivifiants. Belle expérience cinématographique qu'on aurait bien tort d'éclipser.

Black Sun (2005) de Gary Tarn

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