"La montagne ne laisse jamais revenir un homme mauvais."

Avouons qu'on a bu du petit lait avec ce film wernerherzogien de montagne réalisé par Taniguchi sur un scénar de Kurosawa et avec les grands Toshirô Mifune et Takashi Shimura en bandits en cavale. Le fil (de cordée) est assez simple : trois bandits se retrouvent en fuite dans les Alpes nippones. A leurs trousses une armada de policiers qui va les poursuivre de chalet en refuge. Un soupçon de polar et de comédie (les touristes du chalet laissés à poil, dans une source d'eau chaude en pleine montagne, pour éviter les poursuites) mais surtout une aventure humaine jusqu'au bout du bout. Mifune incarne comme d'hab un chien fou sans foi ni loi (prendre un max de thune et s’enfuir) un brin exaspéré par le côté un tantinet plus humaniste de son compagnon de cavale, Shimura. Le film prend doucement son rythme : entre deux mortelles randonnées dans la neige (gaffe aux avalanches surtout quand on use de son arme à feu), nos trois amis trouvent refuge dans un chalet touristique puis dans une maison perdue en haute montagne. Si Shimura quitte les touristes du chalet sans faire dans la dentelle l'arme au poing, il va avoir une irrépressible tendance à sympathiser avec les trois personnes (un vieillard, sa fille - une jeune femme - et un jeune homme qui connaît la montagne comme sa poche) calfeutrées dans leur cabane. Mifune, sentant le danger approcher, décide de forcer le jeune homme à les conduire au-delà des pics pour échapper aux flics. Réglement de compte au sommet et histoire de survie : solidarité vs individualisme, la montagne tranchera.

Nos trois bandits font régner leur loi face aux gentillets touristes enivrés et ne déméritent point lorsqu'ils se lancent dans le grand blanc. C'est dans ce décor grandiose que Taniguchi se montre le plus doué pour faire monter la pression aidé par une bande originale d'Akira Ifukube qui ne se refuse pas d'user de bien jolies envolées lyriques. Mifune se montre de plus en plus enragé dans sa fuite, prêt à sacrifier toute personne qui ne lui serait d'aucune aide : on assiste à un combat, en terrain glissant, à grands coups de piolet et de crampons de chaussures, d'anthologie. La tragédie n'est jamais loin et, lorsqu'elle finit enfin par frapper, elle laisse la place à la rédemption pour l'un des trois survivants de cette échappée au-dessus des nuages. Les paysages, même en noir et blanc vintage, sont à couper le souffle et les personnages de ce drame alpin prennent tous une densité digne d'une boule de neige dévalant un sommet. Une Montagne d'Argent absolument brillante où une leçon d'humanisme brute finit par se substituer à l'appât vain du gain. Premier de cordée dans l’histoire du cinoche japonais.

Sommaire nippon

La Montagne d'Argent (Ginrei no hate) (1947) de Senkichi Taniguchi

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