Qu'il est rugueux ce climat des montagnes magyars et que la vie peut se montrer vacharde... István Szöts (prononcez "sprout") nous donne à voir ici une famille qui ne demandait rien et qui, cela tombe bien, n'aura rien. Si ce n'est de multiples tracas et emmerdes en tout genre ce qui est idiot quand on ne recherchait que paix et tranquillité. Vivre reculés, pour ne pas dire reclus tout là-haut là-haut dans ses montagnes, cela a ses charmes mais aussi ses tourments : comment, par exemple, baptiser son enfant en urgence ? Alors oui, il y a bien la Bible qui pourrait donner des pistes mais quand on ne sait pas super lire, hein ? Notre petit couple qui veut rapidos baptiser leur enfant, parce qu'il est à un souffle de mourir (précisons-le tout de même), se lance dans du DIY vintage : énoncer un prénom, le même que le père, faire un signe de croix sur le front et hop le truc est plié - on se dit que prêtre, c'est un peu comme prof, c'est vraiment un boulot de fainéant. Et puis en bonus, miracle, l'enfant vit ! Notre jeune couple, le printemps venu, n'a plus qu'à faire le tour de leurs deux voisins (compter une marche de trente kilomètres) pour se voir offrir agneau et veau. La vie est belle parfois ! Ne vous emballez pas, le reste ne sera que vallée de larmes... Du grand propriétaire véreux et vicieux, du tragique, du meurtre, de la prison... Notre joli petit conte qui prenait au départ des allures très panthéistes (la religion, hein, on peut facilement se la créer soi-même) avec toute cette joliesse de la nature, notamment quand on marche au-dessus des nuages, va avoir tendance à vite virer au noir.

Szöts, disons-le, filme bien joliment ces paysages magyars, ces paysans bruts de foin et nous donnerait presque envie soudainement de nous faire bucheron pour couper ces grands arbres qui tombent en lâchant un joli craaac de soulagement... Et puis, et puis, c'est l'arrivée de cet homme vil qui vient par delà les collines et qui vient foutre le bordel dans cette petite vie jusque-là si paisible... Notre couple déménage, notre homme trime pour une poignée de sesterces, notre femme est poutraillée, en l'absence de son mari, par ce propriétaire charo... Elle fuira ce salopiot avec son gosse mais chutera salement en route pour rejoindre son aimé... Dès lors, tout ira de travers - médecins inutiles, dépenses futiles - et le film de s'enfoncer dans la noirceur (faire prendre le train à un cadavre n'est jamais chose simple). Szöts filme au plus près le malheur de ce couple, les scènes d'intérieur prenant le pas sur ces virées en plein air... Les gens alentours, ces bons paysans du cru notamment (des visages envahis par la broussaille), tentent bien de venir en aide à cette famille amputée mais cela s'avère généralement vain... Restera à régler le destin du gosse... Est-il né sous une bonne étoile (la jolie scène de la crèche reconstituée) ou va-t-il subir également les affres de cette justice et autre administration aveugles ? Un film âpre, oui, avec quelques belles petites bouffées/images de bonheur campagnard vite mises à mal par le monde anxiogène urbain et capitaliste. Belle œuvre au noir magyar.

Les Hommes de la Montagne (Emberek a havason) (1942) de István Szöts

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