Il faut avoir le cœur bien accroché pour suivre in extenso ce doc qui nous montre à l'oeuvre toute la pugnacité de ce neurochirurgien anglais, Henry Marsh, un homme simple, discret et efficace : il a décidé depuis une quinzaine d'années de venir prêter main forte à l'un de ses collègues, un praticien ukrainien qui est devenu entre-temps un véritable ami ; il lui apporte du matériel, donne des consultations et éventuellement opère ; c'est l'une de ses opérations que l'on va suivre "in vivo" qui va particulièrement nous titiller le cœur (et les yeux, dieu !). Déjà qu'il s'agit d'une science pour le moins "risquée", opérer en Ukraine quand il n'y a ni le matériel adéquat (une bonne perceuse Bosch pour ouvrir un crâne, est-ce que cela rassure ?), ni les spécialistes dans certains domaines (en particulier au niveau des anesthésistes) relève de la pure gageure. Il faut donc opérer avec les moyens du bord en ayant en tête ce fameux concept de Marsh : pratiquer la neurochirurgie, c'est un peu comme avoir deux pistolets de roulette russe sur chacune des tempes ; ne pas opérer peut se révéler fatal, opérer peut aussi se révéler (encore plus rapidement) fatal. Bref, il s'agit de bien faire comprendre aux patients les risques éventuels et de prier le ciel, quand on est praticien, d'améliorer le sort du patent et non le dégrader (la bonne nouvelle c'est que votre tumeur a disparu, la mauvaise est que vous êtes désormais tétraplégique - oups)... Cela a malheureusement parfois été le cas, la double opération d'une petite fille ayant une tumeur s'étant révélée deux fois catastrophiques. Mais Marsh, même s'il est hanté par les échecs (et ne cherche pas à les évacuer ni à chercher à les excuser... il tiendra à rendre visite aux parents de cette patiente plusieurs années plus tard), veut avant tout continuer d'aider son prochain coûte que coûte. On va donc le voir dans ses œuvres auprès du cerveau de ce jeune homme qui n'est point sous anesthésie : une tumeur, me direz-vous, concrètement, c'est peu de chose, surtout quand on a un mini-aspirateur pour évacuer la chose... Mais ouvrir un crâne alors même que le patient est conscient, grand dieu de tous les tabernacles, ce n'est pas non plus une mince affaire... Un docteur anglais, donc, patient, volontaire, déterminé, qui vient donner un petit coup de main en ces terres pour le moins un peu oubliées des progrès de la science (et on est en 2007...). S'il y a toujours cet espoir de voir son ami construire son propre hôpital, si l'on voit notre Henry toujours prêt à récupérer du matériel que l'on jette impunément en son pays (avec une gabegie économique au niveau de certains accessoires), on revient vite sur terre quand on voit notamment notre homme étudier le cas désespéré d'une patiente. Quand son verdict tombe (inopérable ici, deux ou trois ans à vivre), quand son ami ukrainien n'ose traduire de but en blanc à la patiente le diagnostic, on se dit qu'on est quand même peu de chose - on ne peut alors s'empêcher de jeter un regard torve à notre propre cerveau pour qu'il ne nous joue jamais un tour de cochon. Édifiant et d'un réalisme... chirurgical.

The English Surgeon (2007) de Geoffrey Smith

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