Nouvelle petite livraison cinématographique mensuelle sur la communauté noire de nos amis de Criterion, une première (ou une seconde ?) œuvre un peu de bric et de broc mais pleine de vivacité… Un film non distribué en France, ce me semble, ni jusqu’alors en DVD (il faudra attendre le mois d’août), autant dire que l’on est ici en terrain relativement inconnu. De quoi s’agit-il ? Le point de départ est une certaine Pica, une jeune femme qui étudie la photographie et qui, quotidiennement, prend des photos sur un appareil instantané des jeunes garçons de son quartier : sa principale motivation, le peu d’espérance de vie de ces jeunes qui, statistiquement, ont le plus de chance de finir en prison, dans la drogue ou à la morgue… Des photos pris sur le vif comme pour garder au moins une trace de leur passage… Autour de Pica, une poignée de gens gravitent : son prof qui, tout en reconnaissant son œil avéré la tance sur son manque de travail, sa mère, qui passe son temps à organiser des soirées chez elle sans trop vraiment s’occuper de sa fille, un petit copain un peu déguingandé qui fabrique des tee-shirts, ou encore une amie rencontrée un soir alors qu’elle se faisait jeter par un type de sa voiture et qui depuis se balade, incognito, habillée en garçon… Pica a son petit caractère, ses petites bouderies ou ses besoins de solitude, mais tente, en se plongeant dans son projet artistique (dresser des mausolées, sur un terrain vague, pour les jeunes disparus de son quartier avec, bien sûr, leur portrait tiré) de rendre compte de ses tourments et de communiquer avec ses proches… L’invitation à son exposition constituera, en convoquant tout son petit monde, le clou de ce film haut en couleur.

Derrière des conditions de vie pour le moins difficiles (la mort précoce de certains de ses amis, dont un en particulier, l’indifférence de sa mère (et l’absence du père), l’existence dans le quartier d’un serial-killer qui s’attaque de nuit aux jeunes gens, la violence de certains mâles alpha (dont sa copine est la première victime)...), l’héroïne tente malgré tout de se raccrocher à ses petits morceaux d’existence polaroïdisés, à ces flash de vie mis sur le papier, pour tenter de donner une sorte de sens à leur existence – et pour aussi, en premier lieu, qu’on ne les oublie. Si les moyens du film sont limités, qu’il est monté, pour reprendre l'expression, un peu de bric et de broc (à l’image d’ailleurs de ces mausolées montés à partir d’objets abandonnés), il s’en dégage une certaine énergie, une vraie vivacité (et le parallèle avec l’exposition de Pica peut continuer d’être filé : son expo dénote un véritable sens de la mise en scène). Du coup, même si le film a une structure narrative un peu lâche, il parvient à produire son lot de satisfactions (un personnage principal complexe, une peinture vivante de tout un quartier) et à charmer, la vivacité et la pugnacité de Pike se révélant véritablement communicatives. Sympathique petite découverte.

Drylongso (1998) de Cauleen Smith

Partager cet article