Les temps sont durs, les femmes se plaignent... Et elles ont plutôt raison semble-t-il, en ce milieu des années 70 (les interviews des actrices hollywoodiennes ont eu lieu en 1975, celles des actrices françaises en 76... le film a étrangement attendu cinq ans pour être distribué...), tant les rôles féminins sont partis ces dernières années en totale gabegie... Seyrig n'a pas forcément besoin de poser des questions alambiquées (aimeriez-vous être un acteur masculin, avez-vous déjà joué dans un film une scène "chaleureuse" avec une autre femme ?...) pour faire réagir cette vingtaine de femmes : le constat est terriblement simple et clair ; entre les rôles de potiches, d'alcoolo, des rôles secondaires pour la plupart, peu glorieux, et ces rôles de femmes mesquines, agressives (contre d'autres femmes, voire contre leur propre sœur...), il n'y a pas vraiment un choix évident quand on n'est pas LA star du moment... Passé 35 ans, déjà, c'est mort, et pour peu qu'il y ait une rôle écrit en fonction de cet âge "avancé" il sera mal écrit, clicheteux... Oui, comme le disait Truffaut à Marie Dubois, il est temps que les femmes écrivent pour elles... et que les scénarii qu'elles proposent, surtout, soient acceptés... Ce qui n'est pas forcément gagné d'avance dans ce monde d'hommes (des producteurs aux techniciens) pour les hommes (les femmes sont à l'écran au mieux des fantasmes, au pire des accessoires...). Pour une Juliette Berto heureuse d'avoir fait un film de Rivette (Céline et Julie) et d'avoir pu enfin exprimer quelques-unes de ses propres idées, on a droit à une litanie de plaintes sur des rôles féminins idiots qui semblent n'avoir guère évolués depuis la préhistoire (une histoire d'amitié entre femmes ? Vous n'y pensez pas !!! Tiens, à ce propos, c'est là que je voulais évoquer Thelma et Louise qui... oups, pardon...). Et je ne parle même pas des actrices dites de "couleur" : quand tu es claire, tu peux avoir un rôle de bonne, si tu es plus noire, tu peux au moins avoir accès aux rôles d'esclaves (cool)... Le problème, c'est qu'il y a de moins en moins de rôles de bonne... gloups... Le constat, pour les autres actrices, est de toute façon tout aussi dérangeant : il faut se cantonner souvent à jouer des rôles d'ingénue (avec des mecs qui ont trente ans de plus que toi : l'homme murit, lui), à obéir à des hommes (Maria Schneider revenant sur sa douloureuse expérience avec Bertolucci et Brando...) ou à jouer les connes avec des dialogues grotesques. Ça balance sec, ça sent le ras-le-bol... Jane Fonda (qui ressemble affreusement ici à son pater, si je peux me permettre une remarque idiote, mais dont le français est absolument remarquable) fait assez joliment le point sur ces rôles stéréotypés dévolus aux femmes mais sur, aussi, en passant, ces rôles d'hommes finalement très stéréotypés, des modèles types qui semblent venir d'un autre temps... Le fait est qu'ils ont quand même souvent le beau rôle et qu'il y a de toute façon cinq rôles de mec pour un rôle de femme... Des hommes qui partagent d'ailleurs l'affiche de plus en plus souvent en binôme (comme l'homosexualité est de plus en plus accepté souligne l'une des actrices, ce n'est même plus un tabou ce genre de rapports virils entre hommes... ah ben ciel !) et qui se partagent au besoin, pour le fun, une donzelle... Le mouvement féministe bat son plein mais il lui reste un sacré paquet de chemin à faire dans ce septième art masculinisé à mort... Intéressante tribune ouverte aux femmes par une Delphine Seyrig qui sait, elle, les laisser parler. Le film ressort ce mois-ci, c'est l'occase de lui faire enfin honneur ne serait-ce que pour écouter la conclusion très à propos faite par la grande Ellen Burstyn.

Sois belle et tais-toi (1981) de Delphine Seyrig

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