J'allais un peu à reculons à la vision de cette oeuvre dont je supputais les aspects par trop caricaturaux. Bon; mais il y avait Mortensen, ce héros au regard si doux, et je décidai malgré tout de lui faire confiance... Dommage... Le type, perdu en pleine forêt avec ses six gosses, fait donc suivre à sa progéniture une formation qui oscille entre Robin Williams dans Le Cercle des Poètes (une tête bien faite) et Nicolas Hulot (un corps sain au contact de la nature) : le matin, c'est entrainement au dépeçage de chevreuil tué à mains nus ou montée à la corde en solo d'une montagne ultra abrupte (quand tu chutes, même quand tu as douze ans, tu te démerdes tout seul pour continuer, même avec un doigt pété) ; bref, le matin, il vaut mieux que tu sois au taquet. L'aprèm est consacré à la lecture (des grandes théories scientifiques ou politiques aux grands romans) sachant que le parent-prof insiste sur la reformulation des idées (on la lui fait pas à Mortensen, il connaît toutes les ficelles). Une ouverture un peu "sauvage" et forcément un brin excessif, à la ricaine (le fait que chaque gamin soit fier de posséder son couteau... Oh my God, too much is too much - Rahan is back !). Ensuite, on a droit à la partie émotion (la mère est morte) et comédie (nos petits sauvages éduqués confrontés au monde du réel... celui de la société de consommation, vous savez, avec tous ces cons de gamins qui jouent à des jeux vidéo super violents ce qui est mal - alors que tuer un cerf à mains nus et bouffer son coeur encore saignant, c'est pas violent, c'est de la survie, faites bien la différence sinon vous allez manquer par la suite le petit côté drôle et critique). Mortensen, bien que point invité aux funérailles de sa femme (le père de cette dernière est un conservateur pur jus), va convier toute sa petite tribu à l'enterrement. Les "originaux" face aux "trous du cul bien pensant" ; forcément il n'y a pas de match et l'on oscille entre situations cocasses ("vous avez acheté votre poulet déjà tué !" ohoho) et confrontations philosophiques et éducatives (mon gamin sauvage, à huit ans, a déjà assimilé la Déclaration des Droits, vos deux gamins ados ne savent même pas de quoi ils parlent, démonstration à l'appui). C'est tellement manichéen (le bon sauvage finaud - il a ri - vs le couillon consommateur - il se trumpe) qu'on sourit jaune... Le pire, si je peux me permettre un petit avis personnel, est sans doute le jeu de ces six gamins, véritables petits singes savants par rapport à la caméra : dès que celle-ci se pose sur eux, ils ont toujours le petit clignement d'yeux adéquat ou la petite moue complice qu'il faut et c'est déjà, en soi, comme disait ma grand-mère, franchement insupportable.

Même si Mortensen n'a pas que des qualités, attention, (il met en danger ses enfants, parfois, et ça c'est mal), l'éducation qu'il leur donne (il en fait de futurs libre-penseurs capables de se nourrir en dévalisant les supermarchés ou en cultivant leur jardin) est trop top. Il règle d'ailleurs ainsi un des grands problèmes posés lors du premier débat de la primaire de Les Républicains : plus besoin de profs, même plus besoin de contractuels, chaque famille doit s'occuper de l'éducation de ses enfants et les garder chez soi le plus longtemps possible (jusqu'au bout ce serait bien). Vous allez me faire remarquer : c'est un peu simpliste et facile ! Ben voilà, vous avez conclu à ma place, bravo. En prime, veuillez trouver ci-dessous, avec une petite faute d'orthographe pour la route, un bien bon conseil de Mortensen à son fils ; et puis n'oubliez pas, si vous voulez défoncer des portes ouvertes, prenez un maximum d'élan et fermez les yeux... Ah, nos amis américains, si subtils et justes...

Captain Fantastic (2016) de Matt Ross

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