Eh oui, moi aussi j'ai toujours eu envie de réaliser un film de zombies (ou au moins en jouer un), bien sûr que c'est tentant. Mais si c'est pour faire un truc tout vide, un simple exercice de style creux, si c'est pour faire en un mot moins bien que les autres et ne pas tenter de trouver sa propre voie, moi je dis autant rester simple spectateur de Romero. Il y a bien quelques pistes dans ce premier film de Rocher, à commencer par le contexte. On a rarement vu les morts vivants envahir les immeubles haussmaniens, et l'importation du genre dans l'autre genre qu'est le film parisien, de temps en temps, fonctionne. Malgré cette redoutable lumière blafarde, on voit ce que le cinéma français doit au réalisateur, le film est lent et contemplatif, parfois même rêveur, bon. On voit aussi que les attentats récents commencent à jouer sur la psyché des jeunes cinéastes, l'invasion zombie pouvant être vue comme une illustration de ceux-ci (une fête, un mec qui s'endort, boum au réveil le monde est un chaos). On voit aussi que la psychologie, tant redoutée (et à juste titre) par les maîtres du cinéma d'horreur, agit ici presque comme déclencheur de la catastrophe : Sam, seul survivant au milieu des monstres, doit son sort à sa misanthropie, à son dégoût, à sa rupture amoureuse, et va devoir réapprendre à vivre, d'abord seul puis dans le fantasme de la compagnie féminine (Golshifteh Farahani en compagne possible). Bref, toutes ces pistes sont intéressantes, et poussées au bout elle auraient pu donner un beau renouvellement du genre, aux prises avec le cinéma hexagonal dans toute sa splendeur.

Mais Rocher ne fait qu'esquisser les choses, et préfère se retirer dans son film de survie un peu vain et creux. Accumuler les vivres, visiter les appartements de l'immeuble où il s'est enfermé, se désennuyer avec une batterie, dormir d'un oeil et sursauter au moindre bruit, enfin organiser sa fuite, telles sont les saynètes qu'on nous demandera de suivre en lieu et place du développement de ces pistes possibles. Mais comme l'acteur principal est très moyen, comme on est vite ennuyé par ses petits faits et gestes quotidiens, on décroche rapidement du truc. Les zombies sont très bien, puisque la bonne idée est de les rendre silencieux (finis les borborygmes et les cris de gorge), et que l'un d'eux est campé par Denis Lavant, grande trouvaille : l'acteur donne tout son corps dans la composition du mort-vivant, il est énorme comme Kinski dans Nosferatu. Quelques trouvailles visuelles, comme cette montagne de zombies qui se dressent sous la fenêtre, amusent l'oeil un moment. Mais au final, le film sonne creux, manque d'idée et de direction. Tous ces efforts pour pas grand-chose...

La Nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher - 2018

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