Il est bon parfois de se faire des petits plaisirs persos. Comment ça, une œuvre à laquelle Truffaut a contribué, en participant au scénario et en écriant les dialogues, que l'on n'a jamais vue !!!! Comment diantre se fait-ce ? Alors oui, ne vous excitez pas non plus, on sait parfaitement qu'on assistera pas à la vision du chef-d’œuvre inconnu mais il y a là-dedans, dès le départ, suffisamment d'éléments pour qu'on garde la banane tout du long : la présence, en premier lieu de Jeanne Moreau tout juste sortie des bras de Jules et Jim, une Jeanne Moreau en pleine gloire, à la diction si précise et au petit sourire si craquant, la présence, aussi, de Jean-Louis Trintignant, autre (futur) acteur truffaldien, et son fameux timbre de voix sans parler de son petit rictus tout aussi irrésistible, les apparitions, également, plus ou moins longues, de Claude Rich avec des moustaches rigolotes, de Jean-Pierre Léaud (une apparition fugace mais qui nous arrache forcément un sourire : aah ces grandes mains qui s'avancent vers le cou d'une femme !!), de Charles Denner, de Marie Dubois, d'Albert Rémy (mais si, le père de Léaud dans Les 400 Coups)... Outre cette famille proche du François, on retrouve la musique de Georges Delerue, inimitable et reconnaissable entre toutes : autrement dit, on est en terrain connu et on se frotte les mains devant ce petit sous-produit truffaldien qui nous procurera quelques gentils frissons...

L'histoire ? Autant faire simple : Moreau, durant la première guerre mondiale, est une espionne à la solde des boches ; elle se doit de piquer des documents à Trintignant dont elle tombe amoureuse... Elle devra ensuite piéger d'autres hauts-militaires français mais son cœur restera auprès du Jean-Louis... Une histoire forcément tragique où les deux amants, malgré les aléas de la guerre et de la vie d'espion, resteront fidèles l'un à l'autre jusqu'au bout... Bref, pas de quoi fouetter un chat mais on apprécie tout de même au passage la douce sensualité de la Jeanne (et son corps subrepticement dévoilé), sa truculence (les petits dialogues de Truffaut font souvent mouche tout comme les chansonnettes vintage chantonnées par notre actrice), ses facéties (transformant avec le même naturel une casserole en miroir ou une bouteille de champagne en arme de poing) ; si les hommes font les beaux plus souvent qu'à leur tour, se permettent quelques petites réflexions d'un sexisme ravageur, ce sont bien eux les véritables dindons de la farce, totalement aveuglés par le charme de la Jeanne et certains de leur sex-appeal - mais ils finiront, tous, par se faire plumer par les doigts experts de Mata-Hari. Richard ne laisse pas une empreinte indélébile au niveau de la mise en scène mais permet à son chef-op quelques petits mouvements de caméra qui là encore ne dénoteraient pas totalement dans un film des débuts de Truffaut (des petits zooms fugaces, des petits mouvement triangulaires de caméra filmant un individu, puis un autre, puis un objet, avant de revenir au premier quidam, des champs/contre-champs saisissant qui se terminent en très gros plan...). Oui, l’œuvre peine un peu à décoller, livre quelques scènes de suspense honnêtes mais jamais totalement réussies, mais il y a tout du long une certaine légèreté, notamment dans la complicité entre Moreau et Trintignant (pour le love) et Moreau et Rich (pour le taff), qui est franchement agréable. Au final, et malgré les petites réserves d'usage, une totale satisfaction pour le fan invétéré de l'ami Truffaut et de sa sphère cinématographique...

Toute la Truffe

Mata Hari, agent H21 (1964) de Jean-Louis Richard

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