Voilà une adaptation de Pouchkine par l'ami Ptouchko tout ce qu'il y a de plus chamarrée, bigarrée, une explosion de couleurs qui pourraient facilement rendre Gols aveugle pendant plusieurs semaines - On est dans les sixties et les studios Mosfilm ne se refusent rien aussi bien au niveau des crayons de couleurs (une boîte maxi de soixante-douze) qu'au niveau des lumières orangées rasantes ou de la confection des décors en studio (des toiles de fond mirifiques, des constructions à l'échelle d'une ville, des mers reconstituées...). Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on en prend plein les mirettes à défaut de vraiment s'écrouler d'émotion devant ce conte, disons-le, un poil convenu - peu de fond, mais du merveilleux, un conte quoi. Il est ici question d'un roi, con comme un balai, infantile au possible, un roi quoi, qui décide de se marier... Mais ne vla t'y pas que deux donzelles ultra jalouses de ce choix (les deux anciennes amies de la mariée), leur mère et un ou deux intrigants du palais décident dès lors de faire du tort à leur roi... Ils vont l'emberlificoter en lui faisant croire que sa femme a accouché d'un monstre, d'abord, et ensuite, pendant que notre bon roi est en guerre, vont transmettre un message tronqué d'icelui aux responsables du château : le roi, morfondu de ce triste sort, souhaiterait que l'on se débarrasse purement et simplement de cette femme et de cet enfant... Mis dans un tonneau, nos deux bannis sont jetés et vont s'échouer sur une plage déserte... Heureusement, grâce à l'action d'un cygne devenue femme (et qui doit la vie sauve à l'enfant déjà devenu grand), cette île va se transformer en un véritable village... Dès lors, la reine et son fils (devenu prince) n'ont qu'une envie : attirer le roi sur cette île merveilleuse et lui faire une sacrée surprise !!

On sent dès le départ, avec cette lumière orangée qui nimbe ces trois femmes filant la laine et discutant le coup dans leur datcha, qu'il sera ici sévèrement question d'esthétisme et d'effets artistiques grand crin. On ne sera pas déçu, tout du long, avec ces foules habillées dans des vapeurs d'arc-en-ciel, ces ennemis du roi grotesques aux allures d'ewoks gremlinsisés, ce musicien magnant pléthore de cloches à la fois, dans ces scènes de neige où tout un peuple folâtre tant et plus, dans ces séquences de guerre où moult canons font parler la poudre... L'île où débarquent nos amis sera au diapason de cette "légère" touche artistique et cette mise en scène où la magie remplace tout réalisme : personnes qui s'agitent soudainement quand on les touche, pommier de pommes en verre, petit écureuil dansant et chantant (une marionnette absolument ridicule qui a fait mon bonheur), géant sortant de la mer dans leurs habits d'or (bien joli effets spéciaux au niveaux des proportions), femmes passant leur temps à danser et chanter au lieu de bosser sérieusement, les feignasses... Si l'intrigue se répète comme dans tout bon conte qui se respecte (il faudra que des émissaires parcourant les sept océans du monde en bateau viennent par trois fois (le chiffre magique) visiter le roi (oh cette île est superbe, venez ! Ah bon ?) pour que le roi prenne son courage à deux mains (il prend sa première décision, élève enfin la voix : putain, c'est enfin un homme !) et bouge son cul couronné. Sa venue provoquera gabegie de liesse et de joie dans cette île plus colorée qu'une mire. Comme on dit, un JOLI conte, ma foi, vintage et mosfilmissime, qui nous donne une image pour le moins festive du Russe qui sait s'amuser, au besoin, comme un moujik ivre de vivre. Les temps changent. Mais les films restent. Un bouquet de fleurs à la fois grandiose et mignon.

Le Conte du Tsar Saltan (Skazka o tsare Saltane) (1967) de Alexandre Ptouchko

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