Grandeur et décadence d'une star de cinéma. Ce joli docu assez émouvant se propose de revenir sur la carrière pour le moins en dents de scie de Val Kilmer : pour un bon film (Heat), une palanquée de nazouilleries ; pour un succès (Top Gun), un paquet d'échecs ; pour un rôle-culte (Jim Morrison), une liste impressionnante de rôles oubliés. Kilmer représente tout ce qu'on aime et tout ce qu'on déteste à Hollywood : il est brillant, beau, talentueux, mais agaçant, bling-bling et doté d'un melon impressionnant. Seulement voilà : le beau mec de jadis est aujourd'hui, à la faveur d'un salopard de cancer, l'ombre de lui-même. La lèvre pendouillante, le physique complètement effondré par la maladie, il ne s'exprime plus que par une machine branchée sur sa trachéotomie. Et on a beau dire, on a beau considérer cet acteur comme très mineur dans l'histoire du cinéma, ça fait mal de voir cette beauté réduite aujourd'hui à ce petit avorton. Très conscient de son propre état, mais courant encore à la recherche de quelques lambeaux de gloire, quelques souvenirs de sa jeunesse, Kilmer revient donc sur sa carrière, fort de nombreuses heures de vidéo qu'il a réalisées en amateur dans sa famille, sur les plateaux de tournage, ou pour la préparation de ses rôles.

Rien d'extraordinaire dans ces archives. On y voit notre homme vivre la belle vie, faire la fête avec ses potes acteurs, ou cabotiner pour avoir un rôle dans Full Metal Jacket ou Les Affranchis. Il filme autant les moments de joie que ceux plus pénibles : une rencontre avec Marlon Brando complètement minable, une pièce de théâtre des débuts où il est peu à peu remplacé par Sean Penn ou Kevin Bacon, l'échec artistique de Batman, le premier rôle de Top Gun qui lui passe sous le nez au profit de qui on sait. Mais après tout, ce sont les aléas de la vie de star de cinéma, et on n'est guère passionné par ces morceaux de vie insouciante, qui montrent finalement plus un acteur assez médiocre qu'un véritable travail d'acteur in situ. Beaucoup plus passionné par ces films de jeunesse, qui montre le jeune Val se hisser peu à peu sur l'échelle du succès, ses petites pièces de théâtre d'étudiant, les films amateurs réalisés par feu son frère, les moments d'intimité familiale. On y voit un garçon déterminé et travailleur, finalement assez modeste et dans la passion du métier. Bien sûr, les moments les plus tristes et aussi les plus beaux sont ceux de la vieillesse, quand on voit Kilmer, tout cassé par la maladie, aller signer des photos où il est beau comme un cœur à une assemblée de fans restés bloqués sur Top Gun, ou se baigner, solitaire et perdu, dans sa piscine. On traverse mine de rien toute une période du cinéma américain peu traitée d'habitude, celle des blockbusters naissants et du capitalisme brandi en qualité, à travers le destin cassé de cet acteur ; et ce qui en ressort est bien triste. Vanité de nos vies, moi je dis.

Val de Ting Poo et Leo Scott - 2021

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