Amateurs de dessins animés lisses et roses, passez votre chemin. Il était plus que temps de faire entrer Bill Plympton dans notre glorieuse "colonne de gauche of fame", et c'est chose faite avec un de ses cartoons les plus trashouilles et bricolés. Plympton cache sous ses dessins colorés et dynamiques des désirs refoulés et régressifs parfaitement jouissifs, ce qui lui permet de laisser libre cours à son esprit insolent tout en faisant semblant de faire des petits films enfantins. En matière de genre enfantin, il faudra aller voir ailleurs : le film, dans un joyeux délire, raconte l'histoire improbable d'un homme qui, à la suite d'un accouplement d'oiseaux sur son toit, voit un furoncle pousser sur sa nuque. Celui-ci, dès lors qu'il le tripatouille, lui donne le pouvoir de voir ses désirs les plus dingues se concrétiser. Lui est assez conventionnel et effrayé par ce pouvoir, mais nous on s'installe confortablement et on regarde notre héros, avec la complicité de son dessinateur, dézinguer toutes les sacro-saintes valeurs contemporaines : un coup pour la famille, un coup pour la télé, un coup pour le sexe, un coup pour l'armée, chacun prend sciemment sa taloche. Le tout est fait dans un esprit qui tient à la fois du punk malpoli (l'école de la BD américaine la plus raide, celle de Crumb par exemple) et du dessin pour enfant. Regardez ce début avec ces oiseaux qui forniquent en plein vol : l'exercice fait tirer une langue de 3 mètres à monsieur, met des jeux vidéos dans les pupilles de madame, puis la jouissance venant la langue est coupée en morceaux et les yeux explosent, mais tout ça est dessiné d'un trait tout naïf qui empêche de vraiment s'offusquer. C'est toute la dualité de ce cartoon, qui peut vous balancer un petit dessin à la con pour fustiger les programmes télé, changer les seins d'une femme en bouée canard ou enfoncer des obus commasse dans le fondement d'un soldat, mais qui le fait toujours avec une candeur qui désarme toute critique ; et qui le fait surtout avec un humour ravageur et un côté bricolo qui forcent le respect. Certes, le film n'est pas super bien tenu de bout en bout, certes sa technique laisse souvent à désirer, certes il ne raconte rien de nouveau sur l'état d'une Amérique puérile et assommée sous le divertissement de masse ; mais on s'en fout pas mal tant qu'on peut rigoler comme un damné aux provocations de ce dessinateur tout à fait dans l'esprit frondeur de son époque, véritable obsédé sexuel qui transforme ses obsessions en bidules punkoïdes et hilarants. Grand !

L'Impitoyable Lune de miel (I Married a Strange Person) de Bill Plympton - 1997

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