Pour moi qui goûte la SF presque autant que la tête de veau sauce gribiche, Mars Express fait figure d'excellente nouvelle : enfin, j'ai pu apprécier le genre, en découvrir la pertinence et la puissance d'évocation, les symboles et le fun. Ça n'était pas gagné d'avance : les premières minutes du film m'ont totalement perdu, et il s'en est fallu de peu que je ne renvoie le genre au rayon adolescents mal dégrossis. Mais peu à peu, la cohérence totale de l'univers mis en place, la trame polardeuse assez passionnante et les mille petites idées à la Black Mirror ont remporté la mise : ce Jérémie Perin, en plus d'être un animateur impressionnant (la technique est superbe) est un créateur inspiré, qui arrive à rendre crédible chaque invention du futur.

Le scénario reste un peu confus pour des mecs comme moi, habitués au rythme pépère de John Ford et peu au courant des avancées en robotique. On comprend malgré tout que le genre du polar a plus à voir avec la chose que la SF pure. Ça se passe dans 200 ans, c'est la traque par une flic épaulée par son associée robot d'une hackeuse qui menace l'équilibre humain/androïde : elle aurait trouvé un moyen de déprogrammer ceux-ci pour les rendre indépendants. Bon, ça se complique un peu par la suite, et j'avoue ne pas avoir trop suivi (ou ne pas avoir voulu les suivre, c'est vrai) ces multiples rebondissements à coups de vaisseaux spatiaux illégaux et de doubles robotisés. Peu importe : ça ne m'a pas empêché d'apprécier moult choses là-dedans. D'abord, l'extrême cohérence de l'univers (pourtant très complexe) mis en place : chaque invention semble crédible, semble s'appuyer sur des recherches concrètes. En gros, le futur proposé dans le film pourrait bien être celui qui va nous advenir. Notamment en ce qui concerne les airbags des bagnoles, grande trouvaille que cette mousse absorbante. Pris dans un univers aussi probable, on ne se pose jamais de question quant au bien-fondé de tel ou tel détail, et on est complètement absorbé dans la trame.

On le voit, les références de Périn sont très respectables. Si la menace des robots devenus indépendants peut évoquer Blade Runner, le film contient aussi moult clins d’œil, que ce soit au manga ou à 2001, grâce à ce final très mélancolique et parfait, où un travelling avant au milieu de motifs abstraits évoque la fin du film de Kubrick, aux films de John Woo (avec des scènes d'action très lisibles) ou à Minority Report. Les personnages sont un peu interchangeables physiquement, mais sont tous dotés d'une personnalité attachante et l'animation de leurs visages et de leurs gestes ajoute à la projection du spectateur sur eux (y compris les robots). Au milieu du film d'action spectaculaire, Perin parvient même à raconter deux-trois petites choses plus intimes, des histoires d'amour ou de trahison qui ajoutent une pâte vraiment humaine à tout ça. Bref, un excellent moment pour une animation française, s'il vous plaît, c'est pas tous les jours.

Mars Express de Jérémie Périn - 2023

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