Avant de se pencher sur le travail de l'ami Robert Bober sur Perec, un petit incunable avec ce téléfilm réalisé par le maître écrivain himself... Il est question ici d'un souvenir, celui d'une fugue (vous l'aviez ?), effectuée à Paris par le petit Georges qui n'avait alors pas encore douze ans... Un épisode que l'écrivain avait gardé enfoui dans sa mémoire et qui tout d'un coup, des années plus tard, lors d'un passage par les Champs-Elysées, par ce petit square où se tenait un marché aux timbres, se souvient, par flash, de cette aventure... Une voix off de Marcel Cuvelier (j'ai connu un Cuvelier à Morondava, un Suisse... sûrement aucun lien - mais j'extrapole, comme ma grand-mère sur les clients du garage dès qu'un nom était prononcé dans les parages - bon, il est temps de refermer la parenthèse), des images, filmées trente ans plus tard environ, de ces lieux traversés par le gamin d'alors, et un récit éclaté à mesure que les souvenirs affleurent... Le bâtiment du Figaro, ces fameux Champs, des chaises vertes, un banc où le bambin s'endormit et fut accosté le soir par un homme, des bois, des stations de métro diverses prises et reprises au cours de la journée, une boulangerie, un kiosque à journaux, et puis ce commissariat où le garçon échoua et avoua sans résistance son adresse, pleura, mangea un sandwich au pâââté, but dans un bol ébréché... Tout d'un coup, c'est toute une bobine de fil que le Georges déroule, comme si chaque détail de cette journée allait finir par remonter à la surface dès l'évocation d'un simple endroit - il fait tout le chemin à l'envers. Des faits, des lieux, des gens, des choses, le Georges se révèle intarissable, rien ne semble désormais pouvoir lui échapper quant à cette journée mémorable... qu'il avait oubliée et qu'il se remémore miraculeusement, littéralement, littérairement... Perec s'était enfui, le passé était enfoui, il se souvient (un cas d'école) - à nouveau. Le charme des mots parvient à agir et à mesure que la caméra pannote sur ces multiples endroits par le passé traversés, cette odyssée minimaliste reprend vie. Le tout sur une petite musique de Schumann (une fugue ? allons, sérieusement) de bon aloi. De la bonne littérature télévisuelle - l'odyssée Perec est faite.

Les Lieux d'une Fugue (in "Caméra Je") (1978) de Georges Perec

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