Doublement nommé aux Oscars en tant que meilleur doc et meilleur film étranger (je sais, c'est pas toujours une gloire, les Oscars, mais ils ont du nez pour les films étrangers : la preuve, aucun film français cette année), il y avait de quoi avoir la curiosité de se pencher sur cette œuvre roumaine. Chose faite. Le premier constat qu'il me faut faire et le premier conseil qu'il me faut vous donner : ne jamais, sous aucun prétexte, surtout si vous souffrez de brulures, vous rendre dans un hôpital roumain. Faites-vous opérer dans une caravane ou dans la rue, mais ne franchissez jamais, même inconscients, la porte de ces nids à bactéries, à corruption, à incompétence, à laisser-aller (se retrouver avec des vers sortant de votre oreille sur un lit d'hôpital, c'est impossible : eh bien si, la Roumanie l'a fait et c'est malheureusement sans trucage ni bidonnage). Tout part d'un drame : un incendie dans une salle de concert ; des dizaines de morts (il n'y avait pas d'issue de secours), des manifs, un gouvernement qui démissionne. Mais ce n'est pas fini : des dizaines de blessés (brûlés de façon plus ou moins lourdes) vont décéder dans les mois qui suivent. Les responsables ? Tout part d'une enquête menée par des journalistes de... La Gazette des Sports (L'Equipe, prenez de la graine) qui sortent des articles sur les désinfectants utilisés dans les hôpitaux : le constat est clair, la concentration des produits est dix fois moindre que celle indiquée sur l'étiquette ; autant dire, les produits sont inefficaces, d'où le développement des bactéries... Le gouvernement, dans un premier temps fait le dos rond, puis le ministre de la santé démissionne, le gérant de la boîte de désinfectant meurt dans la foulée dans un accident de voiture : un suicide, la mafia (le témoins devenant gênant...) ??? Tous les doutes sont permis dans ce pays... Après avoir suivi le responsable de ce quotidien engagé, le doc suit le nouveau ministre de la santé tout juste nommé ; le type, jeune, apparemment volontaire, décide de s'intéresser de plus près à la gestion des hôpitaux roumains... Vous voulez un résumé, en un mot ? C'est la gabegie...

On a pas l'habitude en ces colonnes de galvauder le mot "gabegie"... Autant vous dire que là, c'est la gabegie de la gabegie : corruption à tous les étages, responsables d'hôpitaux incompétents, corrompus, dictatoriaux, docteurs corruptibles ou démotivés, détournement de fonds, achats de produits inadaptés, conditions d'hygiène déplorables, services inadaptés pour ne pas dire simplement illégaux (on obtient notamment des autorisations pour pratiquer, dans un hôpital, des greffes du poumon en faisant simplement pression sur les responsables de la commission qui ont constaté pourtant au préalable que toutes les conditions n'étaient pas remplies...). Plus notre petit ministre fourre son nez dans les affaires de cette véritable mafia politico-médicale, plus les scandales, les dénonciations affluent. Le système est juste pourri jusqu'à la moelle... Les scandales et les déclarations publiques s'enchainent mais cela va-t-il avoir un impact sur les futures élections, va-t-on enfin voter pour des gens aux mains propres ? Le constat est une nouvelle fois aussi clair que consternant : on vit dans un monde de dingues. Amis roumains, pleurons ensemble, il est sans doute plus facile de voir la paille dans l'œil du voisin... La démonstration est limpide, la "dramaturgie" du doc n'a pas besoin d'être boostée, chaque info enfonce un peu plus ce système de mafieux organisés ; seul petit problème : la vérité semble aussi difficile à être entendue en Roumanie que lorsqu'on crie dans l'espace devant un troupeau d'aliens. Gabegie, gabegie, gabegie, un doc qui montre en toute simplicité la folie d'un de nos voisins européens en attendant, un jour, un audit "indépendant" sur notre propre système qui a l'air également bien malade. Une responsabilité collective (des élus, des journalistes, des votants... Bouhhh). Tous les chemins de la gabegie mènent en Roumanie. (Le photogramme ci-dessous n'est pas du Lynch...)

L'Affaire collective (Colectiv) (2021) de Alexander Nanau

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