Il en va de la comédie italienne traditionnelle comme des discours de Macron : parfois elle est hilarante, parfois elle fait mal au sein. Mario Mattoli n'est pas resté dans les annales de ce côté-ci des Alpes, et on ne s'en étonnera pas en découvrant ce film anonyme, entièrement dévoué à sa star Toto, et qui, à force de regarder gesticuler son héros, en oublie tout le reste : la drôlerie, l'(im)pertinence, la mise en scène, les dialogues, les autres acteurs, le rythme, etc. Dommage, parce que sur le papier, on a follement envie de regarder la chose : on nous annonce un vaudeville en forme de jeu de massacre fustigeant riches et pauvres dans un ballet de quiproquos, de grosses vannes et de joie de vivre, le tout accompagné de plus par le charme de Sophia Loren en guest.

Dès le départ, on déchante : voici le pire du théâtre filmé, entièrement tourné vers les pitreries des acteurs, réalisé au plus court. De Sophia Loren, on apercevra un bout de frimousse par-ci par-là, mais la pub nous a trompés sur sa présence ; quant à Toto, il est ma foi suffisant. On a pu aimer cet acteur quand il était dirigé, chez Pasolini, chez Monicelli ; quand il est en roue libre comme ici, il est assez crispant, grimaçant comme un De Funès dopé, tirant toute la couverture à lui (il faut le voir chercher désespérément le premier plan dans les scènes de foule, ou gueulant un ton plus fort que ses partenaires). Certes, on apprécie ça et là quelques répliques bien absurdes, parfois assez proches des Marx Brothers, et on se gondole à voir notre ami baver devant la jeune première dévêtue ou rivaliser de fatuité dès qu'il s'habille en grand bourgeois. Cherchant la complicité avec le spectateur, Toto accumule les répliques au second degré, et ça fonctionne parfois (sur les allusions, devant un énorme plat de pâtes, au fait qu'il ne mange pas à sa faim, par exemple). Mais ces petites pointes sont perdues au milieu d'un chaos de criailleries, de quiproquos en mousse et de gros gags poisseux. Certes, c'est une comédie populaire, mais on préfère tout de même quand les Italiens en profitent pour démolir les riches ou balancer quelques skuds politiques, plutôt que quand ils renvoient tout le monde dos à dos, détestant tous leurs personnages avec un égal mépris. Rendez-nous la vulgarité d'un Dino Risi ou d'un Marco Ferreri, et oubliez ce minuscule film sans envergure ni style, réservé au seul public italien (je me suis laissé dire que c'est un régal quand vous arrivez à déceler dans le langage les accents et les habitudes des régions du pays, bon). Misère, oui, mais pour la noblesse, c'est raté.

Misère et Noblesse (Miseria e nobiltà) de Mario Mattoli - 1954

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