Voilà une petite oeuvre espagnole présentée à la Quinzaine des Réalisateurs cette année (et pas encore programmée sur les écrans français - on a bon espoir pour 2024) qui évoque les difficultés sexuelles de son héroïne - un mari bien sous tout rapport, pourtant, mais un blocage au moment de l'acte (un petit grain de sable venant généralement interrompre un coït bien amorcé...) qui se caractérise dans la foulée par une soudaine montée d'eczéma ravageur sur pratiquement l'ensemble du corps... Diable... Alors même que notre jeune femme va tenter de chercher à trouver les raisons de cette gabegie à la fois au quotidien (en parlant avec son mari puis avec son père, puis sa mère...) et en replongeant dans le passé (long flash-back sur l'adolescence, puis ensuite sur sa petite enfance), on se dit que le loup va bien un jour finir par sortir - on prend déjà les paris : un viol, un inceste, des violences physiques, morales, des traumas sexuels sur les réseaux (on est devenu professionnel de la chose au cours de ces derniers mois...)... A moins que Martin ne mange point de ce pain-là et revienne tout simplement sur une vie où diverses petites situations pas toujours évidentes à analyser ont fini par aboutir à ces ébats sexuels sur le fil du rasoir...

On sait en effet gré à Elena Martin de ne pas chercher à tout prix à nous donner une clé, une solution un peu trop facile quant à cette sexualité féminine troublée et cette maladie de peau contraignante... C'est par petite touche qu'elle opère et qu'on suit les diverses phases par lesquelles est passée son héroïne : il est d'abord question de sa découverte de la sexualité à 15 ans, une découverte qu'elle fait en compagnie d'une amie (les provocations via internet qui la laisse un peu mi-figue face aux débordements de sa copine, les premières sorties en boîte et les hésitations à aller "plus loin", les premières vélléité de "découchage" et les interdictions fermes du père...) ; puis l'on plongera (littéralement, la mer ayant ici une place au moins aussi importante que la mère) dans ses premières années, la découverte de son corps, ses rapports (très proches alors) avec son père et (un peu plus distants - à moins que le souvenir ne l'ait pas marqué) avec sa mère... C'est fait de façon suffisamment fine, sans voyeurisme aucun mais en attaquant de front le problème des premiers émois sexuels, pour que l'on se rende compte que ces différentes couches successives de petites frustrations, de relations déceptives (affectives et sentimentales), de difficultés à aller jusqu'au bout de ses actes, de ses fantasmes, sont sans doute à l'origine de ces problèmes sexuels à fleur de peau - au sens propre et figuré... On ressent particulièrement toute la détresse de la jeune femme lors des rapports affectueux qu'elle tente de retisser avec son père, véritable huître qui semble s'être totalement refermé vis-à-vis d'elle en cours de route... Un portrait, au final, intelligemment mené d'un "parcours sexuel classique" où l'accumulation de mini traumas rend subtilement compte d'une sexualité un poil brimée et frustrante. Finaud, d'autant que le sujet a été ces derniers temps plus traité à la truelle qu'au pinceau.

Creatura (2024) de Elena Martín

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