On vogue de l'Argentine à l'Angola en un clin d'oeil (et à l'oeil), Shangols est définitivement l'easy jet du voyage cinématographique... Alors, hein, vous ne vous y attendez pas à cette Sarah Maldoror, cette Gersoise disparue il y a peu et qui signa en son temps une oeuvre pleine de sensibilité et de réalisme sur l'Histoire de l'Angola précoloniale. Bin, non, avouez-le au moins. Gloire ici à ces héros de l'ombre, à ce héros de l'ombre Domingos Xavier qui lutta à son échelle pour la libération de sa nation. Maldoror, loin des grands discours anti-coloniaux ou de la reconstitution historique plein de barnum choisit de filmer cette histoire, de bout en bout, à hauteur d'homme : un homme combattif, un homme digne et fier, un résistant qui ne peut accepter de se coucher qu'une fois mort. On assiste à son arrestation puis, en parallèle, à la chaine de solidarité qui se met en place entre ses camarades de lutte et au cheminement de sa femme jusqu'à la capitale pour demander la libération de son mari, ce robuste Domingos... Un combat contre le temps quand on voit à l’œuvre cette police portugaise d'occupation : les interrogations sont musclées, batardes - jusqu'au dégoût...

Maldoror fait le choix du quotidien, de la simplicité, du naturel et elle le fait bien. Elle nous montre dans toute sa quiétude cette vie de village, ces gamins qui s'attachent au dos des femmes comme une bosse à celui d'un dromadaire ou qui s'accrochent aux jupes des femmes quand elles caracolent dans un marché, ces trajets de fou qu'il faut effectuer, à pied, en stop, en bus, ou encore cette géographie des villes où les gamins jouent aux billes dans la rue et sont capables de vous amener dans chaque quartier. Maldoror filme les choses sans qu'on sente jamais qu'elles sont mises en scène et bénéficient d'acteurs qui n'en font jamais trop. Cette femme, têtue, tente absolument tout pour revoir son mari et ces camarades de lutte tissent des liens (on navigue d'un individu l'autre pour glaner des informations sur le prisonnier) et forment une véritable chaîne humaine pour tenter de sauver leur camarade... Quant à ce Domingos, battu au sang, mais toujours de marbre, il essaie jusqu'au bout de ne pas céder face à ces sbires qui tentent par tous les moyens de le faire craquer. Il n'y a pas vraiment ici de coups d'éclat (si ce n'est cette violence (tristement banale ?) de commissariat), d'action glorieuse (le temps de la rébellion et de la libération viendra juste après) : on suit le combat de chacun dans sa longueur, dans ses multiples espaces (Maldoror ne tombe jamais dans le touristique, dans la belle image, dans le facile), des gares routières aux petits restaurants de rues, des commissariats décharnés aux rivières des lavandières ; on ressent ce pays dans sa chair et on touche du doigt l'engagement de ces hommes qui se battent, en cachette, en silence, pour leur pays. Des couleurs joliment rendues, des cadres soignés, un montage particulièrement fluide, tout participe, de la technique aux jeux des acteurs, à la belle réussite de ce film politique bourré comme un oeuf d'humanité et de dignité. L'histoire de la petite allumette qui refusa de rompre et qui mit le feu aux poudres de l'indépendance. Joli chant africain signé d'une française au nom évocateur.

Sambizanga (1972) de Sarah Maldoror

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