Un dessin animé qui joue sur la dentelle fine, faisant de temps en temps penser à la phrase de Bresson sur le cinéma enregistreur du vent sur la surface de l'eau. Louise en Hiver tient sur moins que rien, un faisceau d'impressions, quelques émotions, un style presque abstrait, pour exprimer une chose plutôt terrible : la solitude, l'abandon, le sentiment de perdre pied, l'impression de ne plus appartenir à ce monde. C'est en tout cas ce que ressent Louise, brave mémé qui attend Godot ou la visite hypothétique de sa famille, dans une station balnéaire privée de ses vacanciers, face à l'océan et à son immense isolement. Si la première bobine est légère en diable, montrant un été en bord de mer, plein de baigneurs habillés vintage et de joie, Laguionie plonge bien vite dans des atmosphères beaucoup plus mélancoliques. Quand ces gens sont partis, il ne reste que Louise, seule, désoeuvrée, et le réalisateur parvient à rendre l'infiniment petit de sa vie par minuscules touches d'impressions, sans bruit et sans pathos, par l'évocation. De grandes toiles peintes en couleurs pastels, montrant avec sensibilité les ciels changeants et les saisons, servent d'arrière-plans, et devant on a droit à des paysages la plupart du temps très simplement tracés : la ligne de la mer, quelques chemins de plage, ça et là quelques rochers, au loin la station déserte et ses hôtels démodés. C'est poétique à l'ancienne, déployant un univers éternel, mélange de légèreté enfantine et d'une profonde tristesse. Car on se rend vite compte que l'abandon de la plage par les touristes coïnciderait bien avec la solitude grandissante de Louise : on découvre un sujet plus profond, celui de l'abandon, peut-être celui de la mémoire qui s'efface, celui de la préparation à la mort.

Tout ça est fait avec une grande pudeur, avec des dessins minutieux et simples, avec un personnage très attachant. La grande qualité du film est sa radicalité, non seulement esthétiquement mais dans son scénario également : on passe les 9 dixièmes du film en compagnie de la seule Louise, flanquée d'un vieux chien moche qui peu à peu se trouve doté d'une voix humaine, et tout ce qu'on voit à l'écran est la vieille qui pêche des crabes, dort ou se promène sur la berge. La voix off, très joliment habitée par une Catherine Frot à la fois gentiment fantaisiste et profondément nostalgique, donne tout leur sens à ces images. La fin, inattendue, termine le film avec une pointe de joie qu'on n'attendait plus après tant de solitude : c'est ce qu'on appelle la politesse. Court (1h10), le film est parfois un poil long tout de même, à force de contemplation et d'épure ; mais Laguionie a réussi un beau dessin animé pour adultes, qui manipule des sentiments douloureux et pas commodes à mettre en scène. Très joli.

Louise en Hiver de Jean-François Laguionie - 2017

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