Si vous aimez les tournesols, les chambres en désordre, les corbeaux et les oreilles coupées, on vous conseillera ce film d'animation original et ambitieux. Je ne saurai vous dire, étant daltonien, si ce film est superbe ou d'une laideur affligeante (le débat fait rage sur le web), mais moi j'ai trouvé ça vraiment intéressant. Le principe : "animer" les tableaux de Van Gogh. A l'aide d'une technique sophistiquée, les réalisateurs proposent une relecture des chefs-d'oeuvre du gars, les inscrivant dans une vie, dans un mouvement, dans un scénario qui fait sens au vu de l'oeuvre elle-même : les tableaux de Van Gogh sont les plus animés qui soient, et contiennent en eux-mêmes l'idée du mouvement. Ainsi, chaque scène contient en elle un tableau du gars, qu'elle prolonge pour en faire du cinéma. Le résultat est très beau, et les paysages ou les portraits en sortent comme inscrits dans la vie concrète, pour raconter quelques détails biographiques du bon Van Gogh, et notamment le mystère qui entoure sa mort.

Bon, ça, c'est pas la meilleure partie : le scénario, anecdotique et pas très solide, part sur la piste du complot. Van Gogh ne se serait pas suicidé, mais aurait bel et bien été assassiné. Un jeune gars, porteur de la dernière lettre de Vincent à son frère Théo, et chargé de la lui transmettre, démarre une enquête de plus en plus haletante sur les derniers jours du maître, cherchant à savoir qui a tiré sur lui : est-ce l'idiot du village ? le docteur Gachet ? l'ancienne maîtresse ? A l'aide de flashs-back et de dialogues avec les témoins de la vie de Van Gogh, le gars remonte les pistes façon Columbo, et on en profite pour retraverser agréablement quelques étapes de la désolante vie du génie ignoré que fut ce brave Vincent. La partie scénaristique n'est pas la plus intéressante, il faut bien le dire, et on se lasse vite de ces supputations fantaisistes. Plus intéressants sont les personnages qu'on croise dans le film, tous peints à un moment ou à un autre par Van Gogh, et qui prennent tout à coup vie devant nous, grâce à un savant procédé "d'acteurs peints" dont les arcanes m'ont l'air bien compliqués à décrire. Le film constitue une entrée intéressante dans l'univers pictural de Vincent, donne quelques infos intéressantes sur le mec, bref est un bon "Van Gogh pour les nuls".

Si le scénario lasse vite, on reste impressionné par la technique. Même si parfois, les "acteurs" semblent plaqués sur un décor trop stylisé pour être réaliste, on apprécie vraiment ces portraits qui s'animent, ces longues conversations au cours desquelles, pendant deux secondes, on reconnaît tel ou tel tableau, ces ambiances colorées et calmes que les réalisateurs arrivent à trouver tout en rendant compte du caractère tourmenté de leur modèle. Les flashs-back, qui utilisent une technique différente, en noir et blanc, beaucoup plus hyper-naturaliste, rappellent habilement que Van Gogh est mort dans les années où le cinéma fut inventé, et prolongent avec intelligence son travail : il y a des plans qui évoquent le cinéma muet, les tâtonnements techniques de cette époque, manière de réinscrire l'artiste dans son époque, et de suggérer qu'à quelques années près, les grands peintres de cette époque eussent été cinéastes. Pas un chef-d'oeuvre, non, mais un film qui propose une nouvelle façon de regarder la peinture, donne quelques infos pour briller en société lors d'un débat autour de Van Gogh, et offre à vos yeux des images nouvelles.

La Passion Van Gogh (Loving Vincent) de Dorota Kobiela et Hugh Welchman - 2017

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