Alors non, on n'est pas dans le grand chef-d'oeuvre immortel qui restera pour les siècles des siècles. Mais il y a un joli charme dans ce petit road-movie dépaysant et touchant, et ça fait du bien de le dire. Un je ne sais quoi, un petit truc en plus qui fait qu'on marche à cette histoire pourtant déjà vue et déjà filmée dans tous les sens. Maud voudrait un enfant, elle ne peut pas en avoir, elle va donc se débrouiller pour transférer ses pulsions maternelles sur un môme attrapé au hasard. C'est lors d'une escapade au Chili qu'elle va vivre son aventure : elle part d'abord avec son mari, mais après une dispute, et malgré les appels désespérés d'icelui, elle prend la tangente, et va suivre son propre cheminement intime et libérateur. D'abord tentée par le crime (elle est à deux doigts d'enlever un bébé à sa mère), elle croise la route de Messi, un brave petit môme en quête de mère, et va entreprendre avec lui le chemin qui le ramène à sa maman, à l'autre bout du pays. En route bien sûr, d'aventures en remises en question, elle va éprouver le sentiment d'être une mère, s'attacher à ce gamin d'une autre culture et d'un autre statut social, et retrouver une certaine sérénité... tout en ayant traversé un Chili d'abord hostile et étranger, puis de plus en plus familier, comme un paysage intime sauvage qu'elle apprendrait à apprivoiser.

Le fim est ainsi autant une fuite concrète dans l'espace géographique somptueux du Chili, qu'une échappée dans la psyché d'une femme. Du côté "voyage concret", l'oeil est tout à fait convaincu par les cadres magnifiques de Jonkman. La dame a beau travailler sur un canevas psychologique, elle n'est pas pour autant manchotte pour filmer ces paysages de montagnes gigantesques et de bords de routes désolés. Il y a même un aspect westernien dans cette façon de placer ses deux personnages au sein d'un immense cadre naturel, de placer en miroir leur désarroi et la beauté de la nature. Jonkman lève tout le temps le nez de son actrice pour regarder l'extérieur, geste inattendu dans ce type de production, et Messi & Maud est avant tout un road-movie splendide, qui inscrit une action dans un territoire et le fait frontalement. Il utilise les spécificités du pays pour doper les petites aventures de nos deux voyageurs, et n'oublie jamais où il se trouve, même quand il est au plus profond du désespoir de cette femme seule.

Mais du point de vue des personnages et de l'odyssée intime, on est aussi convaincu. Portée par une actrice impeccable, au physique étrange, Maud est très joliment dessinée, surprenante, libre et frondeuse. C'est sans se la péter, sans étaler sa science psychologique, que Jonkman la filme aux prises avec les affres de sa tendresse non-partagée, et les rapports qu'elle entretient avec Messi d'une part avec les gens qu'elle croise de l'autre sont crédibles, intéressants. On se laisse embarquer derrière ce duo, touché de voir la femme "guérir" en même temps que la fin du périple se rapproche, anxieux pourtant que la fin de cette belle histoire de tendresse chaotique se termine. Le fim dit, en plus, en creux, qu'il n'est pas forcément nécessaire de faire des mômes pour être une femme, et qu'il y a mille autres manières de l'être, en étant libre notamment. Discours original, et juste, et donc film juste lui aussi. Joli.

Messi & Maud (La Holandesa) de Marleen Jonkman - 2017

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