Tant qu'on est dans le bouillon Dreyer, autant se taper un petit documentaire sur le cinéaste qui avait certes la réputation d'être têtu mais également e savoir exactement où il allait. Oui, Dreyer est l'un de ces réalisateurs perfectionnistes, méticuleux, extrêmement précis dans sa direction d'acteur, dans le découpage de ses séquences, l'un de ces réalisateurs qui a définitivement marqué l'histoire du cinéma avec Jeanne d'Arc, Vampyr, Jour de Colère, La Parole ou encore Gertrud. Jensen n'a plus le maître sous la main mais il a encore à sa disposition une partie des acteurs (à défaut de Falconetti, on se contentera de la fille) et quelques-uns des chefs-op qui ont travaillé avec lui. Des interviews qui sont joliment mis en scène et éclairés (un petit hommage au passant au côté toujours soigné du bonhomme) et qui, loin d'être des portraits à charge (Dreyer ayant la réputation d'être quelque peu dirigiste sur ses tournages...) reviennent avec plaisir sur la précision et l'humanité du cinéaste. Oui Dreyer préparait avec un soin extrême, presque obsessionnel, chaque scène - le fait qu'il y ait un certain laps de temps entre ses tournages lui permettant de cogiter sur la chose -, oui on sentait le gars terriblement attentif au jeu des acteurs comme à l'aspect technique, oui on n'avait rarement envie de le contredire quand il avait une idée en tête pour ne pas subir son ire. Mais au-delà de ça, ce qui est particulièrement intéressant sur le "style" Dreyer, c'est que les acteurs comme les techniciens semblent s'être fondus dans le moule de l'artiste sans que ce dernier ait particulièrement besoin de travailler la diction de ses acteurs ou de mettre en place personnellement chaque cadre ; il y a une sorte de "style" Dreyer qui semble planer tout au long du tournage, une sorte de direction artistique chacun semble suivre naturellement, inconsciemment.

Sur Jeanne d'Arc, il est surtout question du jeu de Falconetti, sur Vampyr des lieux choisis qui influencèrent pour beaucoup le tournage, sur Jour de Colère du choix de cette incroyable actrice, Lisbeth Movin, qui joue avec une intensité remarquable le rôle de cette jeune femme, sur La Parole, on écoute avec plaisir ce magnifique acteur, Preben Lerdorff Rye (qui incarne également Martin dans Jour de Colère), qui joue le rôle de Johannes, ce messie à la diction si particulière et sur Gertrud sur la "mise en scène in progress" du film. On a droit également à quelques extraits de ses premiers films, ainsi qu'à certaines anecdotes sur les courts qu'il réalisait à défaut d'avoir un budget conséquent pour des longs-métrages. Sont évoqués également ses projets avortés (une adaptation de Médée que Lars von Trier tournera ou encore une adaptation de la Vie de Jésus Christ sur laquelle il travailla toute sa vie) ainsi que l'admiration qu'il suscitait chez les réalisateurs de la Nouvelle Vague (Truffaut et Godard tout jouasses de croiser l'une de leurs idoles lors de la première de Gertrud en 1964). Un documentaire qui revient avec humilité sur le sens artistique du gus, sur sa rigueur au travail comme sur l'aspect zen qu'il dégageait. Un bon petit complément après avoir revu quelques-uns des chefs d'œuvre du cinéaste danois.

Carl Th. Dreyer : mon Métier (Carl Th. Dreyer : Min metier) (1995) de Torben Skjødt Jensen

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