Un téléfilm anglais sur un conflit nucléaire par le type qui a fait Bodyguard et Volcano, est-ce bien raisonnable ? Eh bien ma foi tout à fait : nous voilà donc revenus au bon vieux temps de la guerre froide et à l'escalade entre ricains et soviétiques. Après avoir joué à la guéguerre au Moyen Orient, les deux pays font monter la tension d'un cran et l'Angleterre de se prendre des mégabombes atomiques sur la tronche. On suit le quotidien des gens de Sheffield qui, après le temps des protestations pacifiques (en pure perte, vous pensez bien), vont devoir survivre : plus de toit, plus d'hygiène, plus de bouffe, plus de soleil... Bref, des temps modernes au Moyen-Age.

L'image est cradingue, le format réduit mais Jackson, avec les moyens du bord, sait tirer profit au maximum de ce scénario catastrophe. Au départ, on est dans du basique avec ces petites familles anglaises de banlieue ternes comme un pudding à la viande de veau. On suit en particulier deux familles : le ptit jeune de l'une a engrossé la jeune fille de l'autre. C'est un peu précoce, comme événement, mais on va se serrer la ceinture et préparer l'avenir : mariage et appart pourri à l'horizon pour nos jeunes gens insouciants... Tu parles. Après les mouvements "traditionnels" de panique (magasins vidés, maisons calfeutrées...), le feu tombera du ciel. Jackson fait doucement monter la pression (les jours qui s'enchaînent avec leurs lots de provocation entre les deux superpuissances, les mouvements pacifistes de plus en plus suivis et de plus en plus malmenés, la mise en place d'une cellule de crise dans les sous-sols de la mairie : la menace gronde...) jusqu'à la catastrophe. Plus de véritables héros, on est dans le chacun pour soi et Dieu pour personne. Les maisons explosent, les cadavres s'empilent, la bouffe s'épuise, les rats font le camp des villes, les maladies déferlent - conséquences nucléaires ou simple choléra... Nos pauvres Anglais errent dans leurs champs de ruines, les hôpitaux sont dépassés, les flics flinguent encore et toujours les voleurs. On est dans le radical (avec quelques images fortes de cadavres en feu et de personnes défigurées maquillées à la truelle) et on apprécie ce constat basique : pas d'héroïsme, juste la survie pure et dure d'une poignée d'individus (la plupart des "personnages principaux" sont morts) déchiquetés et isolés - Jackson continuera d'égrener les années jusqu'à ce qu'un semblant de vie reprenne. Ce petit téléfilm vintage marque des points par son pessimisme à mourir et ses effets a minima ; on sent que le gars Jackson a dû bosser son petit Marker en mâtant en boucle La Jetée : des images fixes, en noir et blanc, viennent parfois s'insérer dans cette vision cauchemardesque d'un monde atomisé. Ces "humains morts", comme on dirait une "nature morte", expriment parfaitement l'aspect irréversible de ce carnage. C'est assez surprenant dans ce genre de production qui tente ici ou là une certaine "stylisation" de ce néant. Envie de film catastrophe tricoté à la main ? Vous devriez y trouver votre bonheur. Vintage et sans concession.

Threads (1984) de Mick Jackson

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