Sur un malentendu, on peut aller jeter un œil sur cette honorable tentative de film de genre à la française, d’autant que celui-ci navigue vers des rivages vraiment peu fréquentés sous nos latitudes : celui du thriller à complots, du suspense paranoïaque, le genre de bidules qui a pu amuser Pollack, Noyce ou Lumet. Exemple valable de ce genre en France : I comme Icare, modèle évident de cette trame retorse, avec son côté "seul contre tous" sur lequel repose toute la tension. Gozlan fait reposer toute son histoire sur une chose ténue et guère spectaculaire : le son, à travers l'écoute minutieuse d'un type dont le boulot est de "faire parler" les boîtes noires des avions après les crashs : par l'audition des bouts de dialogues et des différents sons, il doit en déduire ce qui s'est passé. Une sorte d'oreille magique (déjà abordée dans le sympathique Chant du Loup et surtout dans l'immense The Conversation, autres bons exemples de films à complot) capable de déceler dans un bip saturé la présence d'un terroriste islamiste ou d'un écrou mal vissé dans la carlingue. C'est Pierre Niney qui s'y colle, et vue sa tête d'intello à lunettes, nul doute qu'il est compétent dans son domaine : il est justement chargé d'écouter ce qui s'est passé dans l'Atrian-800 qui vient de se fouger dans les montagnes alpines.

On connait la chanson : les supérieurs (Dussollier, qui n'a rien à jouer) veulent boucler l'affaire sous la pression des journalistes, les industriels (Recoing, Marquet, des vraies tronches de salopards) veulent s'en sortir sans heurts, les collègues (Rabourdin, Pouderoux, tout de dédain) sont jaloux, et la petite fiancée (Lou de Laâge, caricaturale) est délaissée et commence à accumuler les reproches. Pourtant notre héros pense déceler dans les scratchs de la boîte noire une vaste machination industrialo-financière, et s'accroche à ses convictions : est-il paranoïaque, fou, obsédé par son boulot au point de tirer n'importe quelle conclusion ? Ou a-t-il mis la main sur un complot infâme mouillant la compagnie et les actionnaires d'Atrian ? Mmmmm, laissez-moi deviner : vu la musique très morriconienne, le statut de Pierre Niney et la sale tronche de ses ennemis, je pencherais pour la deuxième option.

Le film remplit son rôle de divertissement sympathique de dimanche après-midi. Au bout de 2 (trop longues) heures, vérité sera faite et fâcheux seront défaits, on est bien content, tant on s'est battu aux côtés de Niney pour qu'éclatent la vérité et la justice, tant on a avec lui douté dans les moments d'échec puis jubilé quand les petites failles ont été dévoilées. Il est vrai que Gozlan prend quand même beaucoup de moyens pour pas grand chose : le film manque cruellement de regard, d'un vrai metteur en scène qui aurait su doper tout ça pour le transformer en vrai suspense. Dans les scènes d'action, que le gars se croit obligé de rajouter à sa trame par peur de l'ennui du public, on s'enfonce sévèrement dans le montage flou, dans l'absence totale de tension : c'est peut-être une erreur d'avoir fait de Niney un mec aussi génial dans son taff "d'écouteur" qu'intrépide sur le terrain, il aurait mieux valu doubler le personnage. Là, autant on croit à la rigueur de son personnage quand il s'agit de traquer les micro-détails de la bande-son, autant il est peu crédible en espion traqué dans la nuit, en homme-grenouille ou en héros sans peur. Et on préfère de beaucoup les scènes de concentration où il doit reconstituer mentalement les détails du crash que celle où il doit échapper à des tueurs, mal fagotées (malgré le modèle hitchcockien assumé), mal mises en scène, dépourvues de vrai suspense. Débarrassé de toutes ses scories (les scènes d'action, donc, mais aussi ces pénibles dialogues avec les supérieurs, ou les scènes complètement ratées avec de Laâge : on ne croit pas une seconde au couple, et le look que lui a fait Gozlan est bêtement caricatural), le film serait pas mal ; en gros, s'il avait visé l'abstraction, s'il était resté dans ce beau thème de l'écoute, du décorticage des sons, il aurait été vraiment intéressant. Bon, il aurait duré un quart d'heure, c'est vrai aussi. Allez, achetez un bon seau de pop-corns, oubliez ce que je viens de dire, et laissez-vous bercer par ce film agréable, sans en attendre plus que ça. (Gols 23/09/21)

Bon ben voilà, on n'est pas dupe, Gols avait dit l'essentiel et on ne s'attendait pas à plus, en ce dimanche soir qui fleurait bon la mise en pause de toute capacité de réflexion. C'est cool que Pierre Niney et son petit air narquois s'y colle à notre place (à l'idée de réfléchir), lui si futé, à la si fine oreille, lui si moqué aussi, suite à une erreur passée qu'il traîne comme une casserole... Pourtant, notre gars n'a pas abdiqué en terme de justice, de pugnacité, et dès lors que cette histoire de crash laisse entrevoir des failles, notre homme se plonge corps et âmes dans la bataille... Ce qui ne va pas sans mal dans ce monde sans pitié, se dressant contre sa hiérarchie, ses potes, sa copine, son chien s'il en avait eu un. C'est vrai que Niney n'a pas franchement les épaules de Matt Damon et qu'on pleure pour lui dès lors qu'une bagnole lui colle aux fesses ou qu'un type louche s'approche de lui ; on sent bien que le gars risque plus de mourir d'une pichenette dans le nez qu'après avoir livré un combat à mains nues contre huit yakuzas... Mais bon, comme c'est dimanche, comme on est plein d'empathie pour cet homme qui se dresse contre un Dussolier en fin de vie (mais c'était pas dans un autre film ça, plutôt ?), contre ces petits cons de capitalistes merdeux, contre une compagne blonde qui a moins de saveur qu'une bière (mais vite de l'amertume quand il la trahit), on laisse venir tranquillement, pépère, en se disant quand même que deux heures c'est en effet un peu trop... Gozlan, sûrement fan de ce film dont personne ne se souvient (A beautiful Mind), tente de mettre le paquet pour nous faire croire éventuellement à la fausse piste d'un Niney coincé dans sa propre petite boîte noire... Avec ses airs de Caliméro, on se dit en effet que le gars aurait des chances d'être surtout dupe de lui-même... Mais bon comme l'a dit Gols, malheureusement, ce faux suspense ne tient pas longtemps la route, le cinéma français aimant trop porter au pinacle ces petits êtres capables de se dresser contre des montagnes. Ce n'est pas si mal fagoté au niveau du scénar malgré des trous un peu béants dans l'histoire (le personnage de Pollock qui parvient à faire des trucs de magicien...), c'est un peu longuet aussi donc, et la fin (oho de la révélation spectaculaire, tu vas voir ce qu'il va prendre l'autre, le traître...) totalement ratée et pas dans le ton jusque-là assez low-key et plutôt agréable... Bref, un truc pas trop mal mis en boîte qui, sur la même trame que Mémoria (humour), divertit au moins à bas prix. (Shang 31/01/22)

Boîte noire de Yann Gozlan - 2021

Partager cet article