Femmes interdites au pluriel ? On va peut-être pas trop s'exciter puisqu'il n'y en a qu'une au final qui mène le bal. Qu'une, certes, mais quelle femme, et quelles jambes surtout, qui sont bien deux pour le coup... Des jambes, souvent découvertes, qui appartiennent à la plantureuse Ninón Sevilla as Aurora qui n'a pas vraiment non plus froid aux yeux. Pourtant tout avait mal commencé pour la belle Aurora puisqu'elle écope de deux ans de prison dès le départ pour avoir piqué le portefeuille d'un vioque avec son loufiat. Deux ans c'est pas rien et lorsqu'elle ressort elle est bien décidée, la bougresse, à se venger du juge qui l'a mise au placard... Peut-elle séduire ce juge incarné par le droit dans ses bottes Fernando Soler ? Tout homme est séduisible (...) même si le mot est rare (et familier, comme la notion). Fernando va non seulement craquer pour Aurora (trente ans de mariage dans les pattes, un moment, ça tire...), va voler pour elle (il est aveugle le vieux avec ses bajoues tombantes), et se faire dérober par le loufiat l'argent qu'il a pris dans la caisse. La chute est dure. Hospitalisé, accusé, fourbu, le petit juge mord la poussière... Seul son fils (petite moustache de circonstance, un type solide) peut encore le sauver : il doit séduire Aurora, récupérer le magot et remettre son père sur le droit chemin. Facile ? Pas forcément.

Des amours de circonstance, des trahisons, de l'argent facile, des tromperies, des maladies (de cœur... la femme du juge), de la séduction qui pue l'hypocrisie à plein nez, du sang qui coule... Alberto Gout se permet de jouer avec toutes les ficelles de la romance contrariée... Aurora est sur tous les fronts, dans toutes les histoires, trompant, trompée, et dansant entre deux séquences tendues comme un bas résille. Plus elle monte en société, plus ses robes se font virevoltantes, plus les scènes de ses spectacles gagnent en profondeur. Elle nous inflige au passage quelques numéros musicaux assez bien mené, dois-je dire, qui permettent au passage non seulement de chanter en mexicain à tue-tête et de faire la connaissance de Shango. Gout filme efficace, qu'il s'agisse de ces petites danses avec cinquante figurants filmés à l'énergie ou de ces discussions d'alcôve montées au taquet, les champs-contre-champs suivant parfois à la demi-secondes les répliques plus ou moins acides plus ou moins sucrés des différents amants (Aurora avec son loufiat, puis avec le juge, puis avec le fils du juge - elle peut se révéler aussi bien revêche (grands yeux fixant le ciel) que doucereuse (bouche en cœur de circonstance... ouais, elle est méchamment expressive, la gredine, un peu trop même jureront ceux qui n'ont jamais connu les excès de la téquila). Une œuvre de Gout (résolument) rondement menée, et, bien que l'on puisse deviner la fin tragique d'entrée de jeu (une première image fixe au générique qui donne le ton, puis une première scène en ouverture qui sent la panique (une femme cherche à s'enfuir après avoir entendu un coup de feu) – avant un long flash-back : comment en est-on arrivé là ?), on reste scotché jusqu'au bout pour savoir à quel(s) homme(s) cette Aurora va faire péter les plombs. Un peu de sensualité mexicaine cela ne fait pas de mal, notamment grâce à cette jolie garce de Ninón Sevilla qui sait d'un sourire tous les entourlouper (l'homme est aveugle putain). De la tragédie rapido en deux mots.

Femmes interdites (Sensualidad) (1951) de Alberto Gout

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