Voilà le genre de petits films "ethniques" comme on les aime, sans grande prétention, à hauteur d'hommes et de gamins surtout, et qui sonnent toujours parfaitement juste. Les deux cinéastes suivent les basques de deux Oglala (Ovladi & Lifegozon ? Un peu de sérieux quand même) Lakota dans une réserve indienne pelée. L'un est encore un gamin qui traîne avec trois autres jeunes perdreaux aussi perdus que lui (on fume, on picole, oh puis tiens, comme on s'emmerde, essayons de voler la drogue de papa et de la vendre - juste pour voir...), l'autre est un ado qui vogue de petite gonzesse en petite gonzesse (laissant ici ou là un marmot... mais s'intéressant plutôt (...) à l'élevage de chiens)... Deux gamins assez charismatiques, l'un avec sa bouille ronde, l'autre avec ses tatouages sur le visage (un fan de Zed Yun Pavarotti ?), qui, à défaut d'avoir des parents derrière eux tentent de trouver leur place, de vivre quoi... Le gamin, on le sent, est dès le départ sur la pente descendante : c'est rigolo de se faire du blé avec le sachet de drogue de papa, mais les conséquences sont tout de même risquées - le pater comme les acheteurs n'ayant pas vraiment des têtes de rigolos. Bref, ça sent la chute, ou au moins l'errance si papa le prend la main dans le sac et le jette définitivement du foyer (un bon Indien, on le sait, est un Indien dehors)... L'autre ado semble un peu mieux parti suite à sa rencontre par hasard avec un blanc friqué qui s'occupe de l'élevage de dindes sur le territoire. Le vieux trouve le gamin assez débrouillard (pour dépanner sa bagnole, lui ramener des gonzesses indiennes, bosser dans l'usine de découpe...) et lui file pour ces divers petits boulots quelques billets : un arrangement entre le coq et le dindon un peu bancal mais qui permet à notre jeune Indien de se remettre à flot et de ne pas trop faire de conneries en attendant... On sent bien, quand même, que ces deux individus jouent parfois avec leur chance et risquent, un jour ou l'autre, de salement vriller...

Si ces deux personnages de bric et de broc s'avèrent assez touchants chemin faisant, on apprécie aussi la façon dont cette réserve, cette faune, cette vie de démerde, nous est montrée : pas besoin d'en rajouter, les deux réalisateurs l'ont compris, pour rendre compte de la trajectoire de nos deux briscards qui oscillent entre pathétisme (voler, c'est dangereux, jouer avec les gonzesses aussi...) et éventuels coups de grisou (nos deux gamins ne seront pas épargnés par les menus accidents dramatiques pour ne pas dire tragiques qui surviendront dans leur entourage). On est, en tout cas, en pleine immersion sans jamais avoir l'impression d'être dans un énième "film du monde" à la con. Ces deux récits sont parfaitement bien menés en parallèle et les deux cinéastes parviennent à la fois à joliment rendre les multiples petites galères de nos deux lascars, les relations tendues au sein de cette réserve en pleine désuétude (on s'insulte à tout va - sans réserve, même, oserais-je) et les rebondissements drôlatiques (si vous aimez la dinde, vous serez servi... ce final a même quelque chose de... brautiganesque dans le doux délire - et je ne parle pas du bison qui s'invite parfois au détour d'un plan eheh). Bref, une bonne occasion pour une fois de pouvoir dire à la cantonade : "ce soir je peux pas, j'ai War Pony". (Shang - 09/09/23)

Un petit film tout à faut charmant, oui, je suis mon compère. Bon, sans avoir tout à fait son enthousiasme non plus : on a vu 1000 fois ce genre de petite chose tendre et humaniste, ce portrait de jeunesse déclassée, cette suite de dangers et de bonheurs qui jalonnent la vie de deux adolescents. Sans rien ajouter au schmilblick, Gammell et Keough font partie des bons. Parce que le contexte (cette petite ethnie en voie de disparition filmée dans son folklore, et se heurtant à la complexité de la vie moderne) est intéressant, et qu'on aurait même apprécié que les réalisateur aillent un peu plus loin de ce côté-là ; parce que les acteurs sont investis et sobres ; parce que, en deux trois plans, ça y est, on est sous le charme de ces deux-là, le petit se marrant comme un fou devant les vols, grivèleries et provocations qu'il effectue avec ses potes, le grand se démerdant (mal) avec ses rêves d'élevage et sa mère toxique ; parce que la mise en scène, transparente, se met à leur service, sans oublier de créer de jolies atmosphères et d'user d'un montage audacieux... tout ça a incontestablement du chien, et fait qu'on suit pour la énième fois ces histoires d'émancipation et de passage à l'âge responsable, malgré sa poésie un rien surannée et son manque de caractère à la mise en scène. (Gols - 14/10/23)

War Pony (2023) de Gina Gammell & Riley Keough

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