Voilà un projet ambitieux, étonnant et osé : réaliser un film sur un peu plus d'une heure, en direct, en cheminant dans une petite bourgade et en filmant (quasiment) l'ensemble à l'aide d'un long plan-séquence - avec en prime, une bande-sonore interprétée en direct ; on imagine le travail de dingue, les répétitions au millimètre, pour être prêt le jour J, jour parfait en soi puisqu'on va vivre avec les deux personnages principaux le résultat de la soirée d'élection présidentielle. Pour être franc, c'est notre marque, disons qu'au niveau technique, on peut applaudir à deux mains la performance (il y a bien eu un ou deux petit couac d'image et de son sûrement totalement indépendants de la volonté de qui que ce soit, ainsi que deux moments où on aperçoit quelque peu le perchiste et les techniciens, mais c'est vraiment pour pinailler) ; on sent que les deux acteurs (Moati et Campani) sont dans les starting-block dès le départ et donnent tout du long tout ce qu'ils ont dans le bide pour ne pas faire dérailler la machine. Franchement bravo. Après au niveau du scénar, on est certes pas dans une inspiration de dingue : Moati (parti bosser en Australie depuis cinq ans) revient dans le bled de son enfance pour voter mais surtout pour retrouver son frère aîné ; il y croise également un amour de jeunesse avec laquelle le temps des bilans a sonné : rien d'extravagant, mais il y avait de quoi faire quelque chose de touchant sur cette simple trame - les différences, les souvenirs, les vannes, les accrochages, la complicité en ce qui concerne les deux brothers et la petite pointe de nostalgie entre Moati et la donzelle. On va dire que cela part plutôt sur de bonnes bases, que les deux frères se chambrent gentiment et puis malheureusement on sent un peu les scénaristes à court d'idées, disons le clairement, la chose se délite un brin chemin faisant... De même, Moati écoute gentiment, passivement, cet amour de jeunesse sans montrer vraiment de frisson, sans véritable réaction, si ce n'est un petit air de cocker, de chien battu un peu attendu (il est parti, tant pis, il ne peut faire que le dos rond). Pour la trame principale, on sera donc un peu plus mitigé - on s'attendait à un peu plus d'esbroufe, d'explosivité, de rires francs ou d'engueulades enlevées. Là où on demeure encore plus sceptique, c'est dans l'utilisation de ce pierrot lunaire, celui avec le poney, qui annone des chants et des poésies un peu mollassonnes lors d'intermèdes sans grand intérêt et surtout, après les résultats (je ne vous dis pas qui a gagné, cela ne pouvait être que déceptif de toute façon...) le manque d'inspiration des créateurs pour réagir à cette nouvelle donnée en direct - on expédie la chose en vitesse, comme si on était pressé d'en finir... Bref, une belle tentative, charmante dans sa prise de risque, mais un résultat un peu plan-plan qui eut pu donner un peu plus d'étincelles et de passion. Un jour de gloire qui sera vite oublié pour tout le monde...

Jour de Gloire (2022) de Jeanne Frenkel et Cosme Castro

Partager cet article