Petite cerise sur le gâteau avec ce titre en forme d'évangile pour saluer God-ard, le dernier des derniers, l'immortel. Une interview sur les thèmes classiques : la mise en scène, la télévision, Brigitte Bardot, l'artiste, les acteurs professionnels, les influences. Doniol-Valcroze n'a pas besoin de formuler des questions sur deux kilomètres pour lancer l'ami Jean-Luc toujours prêt à rebondir sur ses propres (bons) mots. Après avoir défini en un mot ses huit premiers films, le Jean-Luc disserte sur sa conception du cinéma ou, plus trivialement, sur la façon de persuader Bardot de raccourcir sa choucroute (Godard, l'artiste de cirque, encore à l'époque...). Notre ami visionnaire annonce déjà la mort de l'artiste face à la société, débat tout seul de la nécessité de la publicité à la télévision (sans mauvaise foi aucune) et parle de ses maîtres, en peinture, Bonnard, en littérature, Sartre, en cinéma, Rossellini. Il parle plus en longueur d'Une Femme mariée dont il tourne les dernières scènes pour remplacer les plans coupés par la censure – il énonce d’ailleurs au passage un point de vue assez intéressant sur la normalité, l’intime et la censure ; l'occasion de voir non seulement Suzanne Schiffman en script (je vous avais parlé de ma rencontre avec icelle à Madagascar à la fin du siècle dernier ? Ah déjà douze fois ? Oui, bon) et Raoul Coutard derrière la caméra mais aussi le Jean-Luc au travail : le type est précis, pointilleux, et il a beau avoir dit deux secondes avant qu'il ne savait pas franchement où il allait quand il tournait, il prouve ainsi le contraire - ce simple plan sur deux mains qui se caressent, il l'avait déjà très précisément en tête... Godard, balzacien, résume ensuite le cinéma à l'argent et aux femmes ; le cinéma "tourne" autour des femmes, le cinéma (oups attention, sujet désormais sensible...) comme moyen, pour un producteur comme pour un réalisateur, de rencontrer des jeunes femmes... Hum. Face à Jacques, reconnaissons que Jean-Luc la joue plutôt honnête, sans tomber à excès dans les formules creuses ou sans user d'une causticité systématique. Il tente avec un certain naturel de louer ses maîtres et de parler assez simplement de sa façon d'envisager le cinéma - pas de secret des dieux ici mais une petite confession apaisée très agréable. Ça fait 9001 du coup...

God-art le culte

Le Cinéma selon Jean-Luc (1965) de Jacques Doniol-Valcroze

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