Premier film à fleur de peau dont le titre renvoie à ce petit agneau tout innocent que l'on sacrifie... Et il est clair que ce pauvre Samuel, jeune gamin confié à une famille d'accueil (ils sont assez jeunes et ont deux enfants, ses nouveaux parents qui font cela surtout "pour l'argent" - on reconnaît là toute cette belle générosité française), en voit, dès ses premiers pas d'adolescents en ce monde, des vertes et des pas mûres... Fils d'un père tué par les flics (on en sera pas plus, les flics étant ces derniers temps de toute façon un peu maladroits...) et d'une mère... absente (personne n'ose même en parler, comme s'il s'agissait du diable...) n'arrive pas franchement dans un environnement des plus épanouissants... Très vite, il comprend que son oncle, qui vit encore dans la ferme de ses parents, entretient des rapports pédophiles avec son propre neveu : méfiant, il n'ose trop resté seul avec ce prédateur qui agit en toute impunité (personne ne fait vraiment attention à ce "solitaire"). Constipé, le pauvre Samuel semble avoir la sale habitude de boucher les WC (mais marrez-vous, marrez-vous...) et se fait, à chaque blocage de chiotte, salement conspué par son "père d'adoption" - et puis quand Samuel "dépasse les bornes", il se prend même quelques bons coups de ceinture, cela fait circuler le sang dit-on... Bref, un nouvel environnement pas très jouasse ; heureusement, il y a la petite voisine, une copine de sa classe, qui l'invite chez elle pour lui changer les idées... L'adolescente est peu farouche et semble vouloir l'attirer dans ses petits jeux d'attouchements adolescents... Pas de bol, puisqu'alors que la gamine se dénude de son propre chef, survient le père d'icelle qui renvoie paître le pauvre Samuel dans sa base... Samuel, observateur s'il en est, semble avoir une certaine propension à voir ce qu'il ne devrait pas voir (son instite qui se fait prendre sur un bureau par un ex-champion olympique venu parler de sa passion aux gamins - bravo l'éducation nationale...), à faire ce qu'il ne faudrait pas faire (un humour saignant et un peu spécial), à être trop sensible quand il ne faudrait pas l'être... D'où des petits coups de folie suite à des blessures de cœur (sa petite copine se faisant distante...), des petites mises en scène, pour attirer l'attention sur lui, glauques et plus effrayantes que franchement touchantes (faut pas jouer avec le ketchup putain)... Un adolescent qui s'éveille, quoi, dans un milieu un peu tendu...

Depesseville retrouve une certaine atmosphère pialataesque (c'est forcément un compliment) dans ce portrait ultra-réaliste de ce gamin de nos petites villes provinciales et de ces plus ou moins jeunes gens qui s'agitent autour... Samuel aimerait bien faire (ce petit et magnifique cadeau qu'il fait à sa mère tutrice) mais le pauvre semble devoir toujours se frotter à des personnes pas vraiment aptes à lui donner tout l'amour qu'il attend : à l'image de ce père tuteur, prêt parfois à lui apporter tout son soutien lors de compétitions sportives (Samuel fait de la gym, respect), mais qui s'énerve et s'emporte violemment au moindre petit écart déceptif de Samuel ; à l'image de cette petite bonne amie qui décide du jour au lendemain d'aller voir ailleurs... Samuel observe, apprend, comprend que le monde des adultes n'est pas un monde d'angelots (l'oncle et ses pratiques sexuelles de l'ombre...) mais réagit aussi parfois de façon un peu épidermique, sans trop parvenir à maîtriser son surplus d'émotion. Depesseville filme son récit au plus près des personnages, toujours à la bonne hauteur pour qu'on pénètre dans leur monde émotif, et livre un portrait d'un adolescent, déjà "blessé" par la vie et dont les rêves-mêmes révèlent les premières frêles fêlures, d'une belle justesse. Un premier long qui mérite indéniablement le détour au guide mi(o)chelin des arrières-cours de nos provinces.

Astrakan (2023) de David Depesseville

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