Deux jeunes étudiants hollandais décident de rendre leur petit hommage personnel au maître Robert Bresson. Ils bénéficient de participations plus ou moins prestigieuses au niveau des cinéastes (vous ferez votre marché) de Louis Malle (ancien régisseur de Bob) à Tarkovski (on rigole moins déjà) en passant par Paul Schrader (responsable d'un livre sur l'art transcendantal chez Ozu, Bresson et Dreyer - une corde est livrée avec (un peu d'humour bon enfant)) ou encore, au niveau des acteurs, pardon des "modèles" bressonniens, de Dominique Sanda. Louis Malle tente de replacer le cinéaste dans le cinéma français (Bresson, le Phare auprès duquel tous les petits cinéastes de la nouvelle vague font pâles figures), Tarkovski évoque l'art de la simplicité chez le bonhomme et la poursuite de son art sans se soucier des spectateurs ou des critiques (il retiendra la leçon...) et Paul Schrader évoque son petit essai en revenant sur la capacité chez Bresson de passer du quotidien, du mécanique à l'iconique (pour faire bref, le gars Paul parlant avec un sérieux papal et un brin auto-suffisant de son analyse). Sanda, de façon finalement plus naturelle, tente de revenir sur le désir de Bresson de débarrasser les acteurs de toute scorie pour parvenir à ce ton atone, plat ; le petit truc bressonnien pour parvenir à un tel effet ? Ne pas parler dans les yeux des interlocuteurs mais en regardant leur oreille... J'essaierai éventuellement même si cela semble surtout réalisable quand on s'adresse à un tableau de Picasso... Nos deux jeunes gens passent des extraits de films (des morceaux choisis sur des morceaux d'individus, Bresson aimant filmer les membres, des parties du corps plus que les individus dans leur ensemble), reviennent sur les lieux de certains tournages (on sent le côté "pèlerinage" de la chose mais cela ne présente au-delà de ça aucun intérêt) et reprennent quelques citations pertinentes des Notes sur le cinématographe de Bresson himself. Un petit tour pas déplaisant sur l'œuvre du sieur ; l'analyse personnelle, tout de même, des deux gaziers sur la thématique des films de Bresson et sur leur fin tourne un peu court ; d'une mort en forme de destin (dans Lancelot, Jeanne D'Arc, Le Curé) à une mort tout court (ou le suicide) dans ses dernières œuvres, nos deux hollandais trouvent que la sauce bressonnienne laisse un goût amer. Comme ils parviennent enfin à décrocher une interview de leur idole lors de son passage à Cannes en 1983 (on pourra vous poser deux-trois questions ? Ah, juste une, ok), ils l'interrogent sur ce "pessimisme" qu'ils ressentent dans son œuvre. Bresson, ni une ni deux, a tôt fait de remplacer le mot "pessimisme" par le mot "lucidité" - les tragédies grecques seraient-elles donc toutes pessimistes, ptits cons ? Robert fait tout de même un petit effort pour revenir en quelques phrases sur sa conception du cinoche, définitivement à l'opposé du "théâtre filmé" de ses petits camarades ; le cinéaste finit même par lâcher un petit conseil en forme de pirouette aux jeunes cinéastes en citant Stendhal (allez, je vous laisse la version anglaise avec le photogramme ci-dessous, je suis bon). On termine avec une bien belle image de ce festival de Cannes en 83 : Bresson et Tarko reçoivent des mains de Welles (belle brochette sur scène) les prix de meilleur réalisateur et nos deux compères, après s'être fendus d'aucune déclaration, de repartir dans la nuit de leur conscience créative... Bon, un doc qui n'a rien de bien novateur sur le master Bresson mais qui rappelle gentiment quelques-uns de ses concepts de base. Petite sauce d'appoint.

Tout Bresson

De weg naar Bresson (1984) de Leo De Boer & Jurriën Rood

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