Curieux film que celui-ci, m'est avis, sorte de suite au formidable Signe de Zorro de Niblo, mais sans Zorro, ou presque. C'est-à-dire que Douglas Fairbanks reprend bien le rôle du renard masqué, et le fait toujours aussi énergiquement, mais que le film est surtout consacré à son fils, don Cesar (l'anonymat du titre me laisse songeur), envoyé en vacances en Espagne pour y prouver sa valeur et son charme. On pourrait penser que ce changement est dû à l'âge du bougre (42 ans à l'époque) qui ne pourrait plus se livrer aux acrobaties inhérentes au rôle. Mais point : c'est lui aussi qui interprète Don Cesar, et qui l'interprète en pleine possession de son corps de gymnaste. C'est à n'y rien comprendre, comme on ne comprend pas pourquoi Zorro à la fin se pointe toujours masqué, alors que tout le monde le connaît comme le gars de la Vega. Mais foin des incohérences ou des mystères de la chose, qui ont pourtant peut-être bien handicapé le film jusqu'à le plonger dans l'oubli. L'important c'est que Don Q Son of Zorro est absolument charmant.

Don Cesar est donc envoyé dans la patrie de ses ancêtres, et très vite, il devient la coqueluche de la populace, du prince d'Autriche et de la belle Dolorès de Muro (Mary Astor, qui se pâme à la perfection). Il faut dire qu'il rivalise de brio quand il s'agit de régler des différends, de se battre en duel avec le matamore du coin, Don Sebastian (Crisp himself) ou de faire rentrer un taureau furieux au bercail. Ces prouesses lui attirent force jalousies, notamment de Sebastian, rival en amour (Astor lui jette à peine un regard peiné), et immonde fomenteur d'un coup d'état retors : il assassine le duc d'Autriche, qui l'avait un peu mérité avec ses sarcasmes quant à la virilité du compère, et fait accuser Cesar. La moustache à peine défrisée, ne se départissant jamais de son sourire en coin (qui peut devenir crispant à force, je l'avoue), chemise ouverte sur son torse avantageux et toujours le bon mot aux lèvres, celui-ci va se battre bec et ongles pour faire éclater la vérité, défaire Sebastian, et pécho le belle Dolorès par la même occasion. Il sera épaulé par son père Zorro en personne, dépêché par jet privé pour sauver son fiston de cette injustice flagrante.

Douglas Fairbanks est monté sur ressorts dans ce film bondissant et tonitruant (même muet). Sur 1h50, il doit avoir un plan immobile. Son charisme extraordinaire fait tout le sel de la chose, qui, sans lui, serait sans grand intérêt. Franchement, on aura du mal à trouver un acteur aussi physique par la suite. Mes moments préférés sont quand il bondit sur les bords de fenêtre en arrière avec la grâce d'un félin, on dirait que les mouvements sont montés en arrière tant il y a de souplesse et de grâce dans ces gestes. C'est bien simple : pour demander le sel, il fait trois pirouettes arrières et un triple lutz facial. Par exemple, pour monter à l'appartement de sa belle (et alors même que le funeste Sebastian est en train de faire sa cour à la même), il bondit de plantes grimpantes en gouttières en trois secondes chrono ; ou pour dominer un taureau de 15 tonnes, il balance nonchalamment son fouet autour du cou de la bête, la chevauche et lui fait entendre raison, tout en balançant une vanne et en faisant une oeillade à Dolorès. Bref, il fait le show, et dès qu'il disparaît du film (notamment pour toute la partie centrale où il est forcé à se mettre au vert pour échapper aux sbires de Sebastian), le film disparaît lui aussi. Il faut dire que Crisp n'est pas tout à fait l'homme de la situation quand il s'agt de se faire sa place à côté du comédien. Même si son montage est très correct, même si on ne s'ennuie jamais dans son film, on peut dire que mise en scène, scénario, et direction d'acteurs sont bien fades, et ne sont là que pour mettre en avant la star masculine du métrage. A peine remarque-t-on un curieux masochisme dans le traitement de son personnage de vilain, malmené par le scénario puisqu'il est cocu, dévirilisé, peu adroit aux armes, fat avec les femmes, flatteur avec les puissants, traître avec les gens qui l'aident, en un mot très peu aimable. A peine remarque-t-on encore une science certaine du rythme (à part pour ce ventre creux central) qui fait que le film passe comme un rêve. Pour tous les fans de Zorro (dont je suis) et d'acteurs sur trampoline, un must.

Go old west, here

Don X, Fils de Zorro (Don Q Son of Zorro) de Donald Crisp - 1925

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