Il y a des sports un peu plus extrêmes que d'autres : quelle drôle d'idée que celle de vouloir monter à mains nues, sans cordée, une montagne grande comme une tombe de géant... C'est le pari fou du gars Alex Honnold : voilà une dizaine d'années qu'il rêve de grimper cette montagne brute de décoffrage (El Capitan Wall pour les intimes, un truc dans les Yosemites de 1000 m de haut) et rien (si ce n'est une bonne chute) ne pourra l'arrêter. Le premier paradoxe de la chose c'est que cette aventure en "free solo" ne pourra pas se faire tout seul... Outre les semaines et les semaines d'entrainement en équipe, il faudra, le jour de l'exploit, avoir des caméras ici ou là pour garder une trace - et si cela n'a pas d'influence sur la difficulté de la chose, cela pourrait en avoir sur la psychologie de notre homme (réagit-il de la même façon quand il est dans l'œil du viseur, cela ne va-t-il pas affecter sa concentration ?) - sans même parler de la philosophie de "la pure beauté du geste pour soi-même" - le titre est-il finalement biaisé ? C'est le premier point sensible. Deuxième chose qui mérite d'être évoqué dans l'histoire, notre ami (solitaire dans l'âme, diagnostiqué Asperger par quelques-uns) a une petite amie. Elle est blonde et son prénom est Sanni. Va-t-on devoir nous aussi nous la taper tout du long ? La réponse est oui : non seulement elle est au côté de notre homme quand il va avoir deux petits accidents d'escalade (la poisse, cette gonze) mais en plus elle ne cesse de pleurnicher quand elle voit bien que ce qui gagne le cœur de notre homme c'est plus la montagne que sa petite personne. Est-elle vraiment utile dans ce doc ? C'est le deuxième point sensible. Enfin, il faut évoquer le gus Alex lui-même dont la voix est aussi désagréable que ce petit air hautain dont il ne semble jamais se départir : ok, tu as gravi des trucs immenses tout seul, sans corde, à la force du poignet, mais cela te permet-il de te prendre autant au sérieux mon bonhomme ?

Ah je vous le dis, on n'est pas chez du Herzog : quand ce dernier aurait laissé toute la place à la grandeur extatique de cet acte de fou furieux, de cet acte de l'extrême, on a ici des cinéastes, enfin des cameramen qui décident de faire feu de tout bois. L'exploit, le staff technique, la famille, l'achat d'une maison, tout cela est mêlé de telle façon qu'on se demande parfois s'il s'agit de filmer un drame domestique (Sanni pleure en voyant son homme tenter l'impossible ; le staff se ronge les sangs en pensant à la chute) ou un véritable exploit hors du commun. Toute la petite partie intime sur la vie d'Alex (tendant d'entrée jeu à prouver que le gars est moins social qu'un vendeur de cravates) devient vite un peu agaçante : on refait en intégralité son petit parcours de vie (en solo), sa copine en rajoute des tartines sur sa difficulté à avouer ses sentiments, ses parents en remettent une couche, le Alex y va de son petit couplet (j'ai mis 23 ans avant de faire un hug ! Super, moi 24 avant de pratiquer la sodomie, si jamais cela intéresse quelqu'un. Non ? Je m'en doutais un peu au demeurant). Bref, c'est too much et ce d'autant qu'une caméra semble toujours être "caché dans un coin" pour rendre compte de ces multiples petits problèmes intimes (les "engueulades entre lui et sa copine"). C'est dommage. C'est dommage d'autant que l'exploit (filmé dans les vingt dernières minutes notamment) est beau, tient en haleine (on connaît toutes les difficultés techniques de certains passages), reste unique... On eut aimé rester focaliser sur les entrainements, les répétitions des mêmes gestes, les échauffements de malade et enfin cette montée de guedin, inconsciente, folle et magique. Du coup, on reste partagé entre la "mise en scène" des petits problèmes domestiques (on s’en tape le coquillard) et ces images de pure folie d'un homme qui se rêvait gecko. A voir peut-être sans le son...

Free Solo (2018) de Jimmy Chin & Elizabeth Chai Vasarhelyi

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