Mignon tout plein, ce petit dessin animé français ambitieux et ouvragé, qui se pique de mélanger l'univers enfantin et le discours plus adulte, espérant que le second va interagir avec le premier. Le grand combat de Chayé, c'est la place des femmes dans une société masculine, et le bougre pratique un féminisme qui est tout à sa gloire en situant son histoire dans un univers où la gente féminine n'a guère sa place : le western, ses hors-la-loi, ses bonnes vieilles réactions machistes et sa psychologie aussi épaisse qu'une blague de Bigard. Voici donc la seule femme à avoir laissé une trace dans l'Ouest sauvage : Calamity Jane. Chayé va nous raconter son enfance, dans une sorte de rêverie fantasmée qui ne s'embarrasse d'aucune véracité historique ; et par elle, va nous dessiner le portrait d'une émancipation. Martha est une enfant à forte tête, désespérée déjà d'être cantonnée dans l'esprit de ces messieurs à une pauvre petite chose fragile incapable de conduire un chariot ou de lancer un lasso. Orpheline et délaissée pour son statut social au sein d'un convoi de pionniers en route pour l'Oregon, elle va se métamorphoser en garçonne sous la pression des hommes, qui veulent l'asservir et l'humilier. De coups d'éclat en dressage de mustangs, de sauvetage dans la tempête en vols de chevaux, on va suivre l'évolution de Martha en femme... et en hors-la-loi qu'elle deviendra plus tard.

Il y a quelque chose de noble dans ce combat de petite fille déjà consciente des injustices faites à son sexe. Chayé rend justice à ce combat en dessinant un joli personnage rebelle et frondeur, casse-cou mais jamais à l'abri d'un échec ou d'un excès. Son parcours sera jalonné d'aventures qui seront autant d'épreuve d'émancipation, puisque Martha va éprouver aussi bien l'amour que l'amitié, la loyauté que les coups de pute, l'humiliation que l'asservissement. Le film raconte ça avec énergie, bien conscient d'être aussi un western avec son obligation de scènes d'action et de coups d'éclat. C'est la partie "enfantine" du film, ce côté un peu Tom Sawyer assez craquant : les scènes où Martha tente de sauver sa peau au milieu de la gabegie sont dynamiques et fort bien montées (des plans courts mais pas hystériques, une belle variété d'angles de vue pour dynamiser l'ensemble). Dommage que le trait des dessins de Chayé soit un peu gros, notamment dans les gros plans où les visages apparaissent comme des étalages de couleurs sans finesse. C'est d'autant plus étrange que les scènes en plans larges sont très belles, avec ces paysages splendides tout en profondeur de champ, colorés presque façon fauviste de teintes inattendus pour de tels paysages (du violet, du bleu, enfin je suis daltonien, remarquez bien aussi). Si certaines scènes marquent par leur énergie, les séquences plus calmes sont un peu plates, manquant de mouvement, un peu cheap dans la réalisation. Malgré tout, un moment assez mignon et inspiré, un joyeux film indigné et frondeur pas désagréable du tout.

Welcome to New West

Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé - 2020

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