On n'avait pas de film sur le Vanuatu et, ne serait-ce que par pure envie de faire un clin d'œil à l'ami Olivier B., on se devait dans ces colonnes d'en avoir un. Je vous vois d'ici me regarder d'un œil méfiant et vous entends me poser la première question qui vous vient à l'esprit : n'est-on pas dans le "film du monde" ? Eh bien quitte à vous surprendre, j'ai envie de vous dire oui... Butler & Dean (une marque de margarine à la base ? Possible, vu qu'on est dans l'ersatz de film anthropologique amené avec bienveillance) ne ratent aucune occasion de nous montrer cette chère tribu du bout du monde avec l'oeil du bon vieil occidental (même s'ils sont australiens a priori) de base : regardez nos amis vivre en paix avec la nature et révérer ce bon vieux volcan en colère, regardez-les gambader joyeusement en rond pour faire la fête, regardez-les capables d'écouter les paroles que leur souffle Dame Nature dans leur songe pour les empêcher de partir bêtement en guerre... Vous vouliez des bonnes vieilles croyances du bout du monde, animistes à souhait, eh bien ces chers sauvages qui refusent le monde moderne vous en donneront pour votre argent ? Voilà pour le petit côté subjectif de nos deux réalisateurs. Après ça, ils se cassent un peu la nénette pour nous sortir une histoire cornélienne avec une pauvre héroïne qui a le choix entre suivre son jeune amant fougueux ou se rendre dans le village voisin pour que les deux villages soient en paix – et pour se marier avec le fils du chef de village au regard fou… On se met à sa place, on hésiterait par deux fois entre bousiller sa vie pour les siens ou vivre son amour à l'écart (quitte à vivre toute sa vie dans la jungle et être obligée de grimper tous les jours dans un arbre pour choper du miel...). Terrible dilemme qui sent la tragédie et la grosse leçon de morale... Elle viendra.

L'une des bonnes idées du film (soyons un peu sympa) est de suivre une partie de l'histoire à travers les yeux d'une jeune gamine (oui, je sais, c'est pas original) qui s'emploie sang et eau pour faire le lien entre les adultes. La chtite est la seule qui semble ne pas être obligée d'avoir une lance dans le dos pour réciter ses dialogues sans fautes et elle apporte indéniablement un peu de fraîcheur et de candeur dans cette oeuvre "nature" qui sent un peu le sapin au niveau de la spontanéité de nos acteurs amateurs (tel le frère de Christian Karembeu qui aurait mieux fait de faire carrière dans le foot). Elle pourrait même par endroit sauver le film si les deux gaziers aux manettes n'avaient pas eu la sombre idée de noyer les scènes les plus lyriques sous des monceaux de musique world qui ferait passer les BO de Lelouch pour de la musique de chambre... Mais pourquoi, nom de nom, ensevelir ces paysages exotiques (des paysages sans câbles, poteaux électriques ou antennes, ça lave toujours les mirettes) sous de la soupasse qui ne semble pas vraiment ultra locale ? Du coup, même si on apprécie par moments de découvrir cinématographiquement le Vanuatu et ses "contes modernes", on a du mal à ressortir du film sans faire un poil la grimace, convaincu du fait qu'il est bien dommage que cette histoire... ne soit pas filmée par nos amis autochtones themselves (quitte à ce qu'ils perdent la caméra en route ou la jettent, on est preneur de réaction du cru...) - on aurait sûrement échappé à ce regard par trop sclérosé et attendu. Trop film du monde, donc.

Tanna (2016) de Martin Butler & Bentley Dean

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