Vous cherchez un bon vieux moment de détente, une œuvre primesautière qui vous ferait sentir que la vie, parfois, c'est un peu comme une bulle de pastis qui s'envole au soleil ? Alors un conseil, passez votre chemin. On savait que la Pologne n'était pas forcément un grand club Med à ciel ouvert, on pressentait que les années 50 et le communisme rampant qui prit alors les commandes n'avaient rien d'un épisode de La petite Maison dans la Prairie mais avouons tout de même que le gars Bugajski, dans ce simple téléfilm, n'y va pas avec le dos de la cuillère pour montrer en action l'autoritarisme pourri à la moelle qui agita son pays. Pour la peine, son œuvre fut d'ailleurs interdite pendant sept avant de pouvoir voir le jour en 1989. Vous cherchez un voyage dans les geôles de l'enfer ? Suivez le guide... Tonia (impressionnante Krystyna Janda) n'a ni sa langue ni sa sexitude dans la poche quand elle est sur scène, ses déhanchements rendant les yeux d'une foule compacte de mâles tout exorbités. Cependant, au cours du spectacle, elle surprend son respectable petit ami de poète en train de flirter avec sa meilleure amie. Elle quitte la scène, en pleurs, envoie paître ledit petit ami et passe la soirée avec deux jeunes gens festifs (en mission)... qui vont la conduire tout droit au commissariat. Elle se réveille avec la gueule de bois et un étrange interrogatoire commence... C'est le début d'un puits sans fin de violence et d'humiliation...

Il y a ceux qui, lorsqu'ils sont acculés, acceptent tout, pactisent avec le diable à l'envi pour se sortir d'un mauvais pas. Et puis il y a Tonia, sans concession, têtue comme une vieille bourrique, dure au mal, pugnace, avec des cornes (je peux ?) de combattante plus grosse que celle d'un mouflon. Tout, tout, tout, elle subira tout : les enculés du pouvoir qui se succèdent derrière leur petit bureau enquillent les questions, les maltraitances, les tortures pour qu'elle accuse un pauvre type du parti avec lequel elle a passé une nuit, non, elle s'entête et bravera la mort plus souvent qu'à son tour... Enfermée en cage avec des femmes plus ou moins résistantes, elle survit plus qu'elle ne vit, s'évanouissant un nombre incalculable de fois au cours de l'histoire... Des coups, des douches froides, des abus sexuels, des mises à mort avec un pistolet sur la tempe, elle plie souvent mais ne rompt point... De quoi finir par écœurer ses propres bourreaux auxquels elle fait comprendre que dans ce monde d'abrutis sans valeur et sans honneur elle n'a rien à perdre et peut même en bonus se moquer d'eux... C'est un film pour le moins frustre et rugueux (je vous conseille la scène de suicide, j'ai encore mal au poignet en y pensant) mais absolument sans concession qui va jusqu'au bout de sa logique. Toute la barbarie d'un pouvoir mâle en place (destructeur et auto-destructeur) face à une femme qui tente de garder en elle d'ultimes lambeaux d'humanité. Exigeant mais puissant.

L'Interrogatoire (Przesluchanie) (1989) de Ryszard Bugajski

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