Eh oui, même le réalisateur du Flic de Beverly Hills peut avoir sa chance sur Shangols, entre un Kore-Eda et un Godard. Un petit coup d'oeil sur ce buddy-movie sans buddy et avec assez peu de movie, film qu'on nous vend comme culte si on en croit la jaquette de ce DVD sorti à grand luxe ces temps-ci. Culte, culte, comme ils y vont ; moi j'ai trouvé ça plutôt sympathique, tout à fait honnête dans sa fabrication, joué excellemment, mais tout de même, on est là dans ce que le cinéma américain faisait dans les années 80, à savoir du film bas du bulbe et roboratif pour l'estomac, qui ne s'embarrassait guère de fond et en donnait pour son argent à un public facile à conquérir. Mais baste : ça peut faire du bien, aussi, de se taper un film d'artisan solidement mené, surtout quand le meneur s'appelle de Niro.

Sans lui, le machin serait fade et sans beaucoup d'intérêt. Qu'on en juge : un chasseur de primes, ancien flic viré pour insubordination (il a refusé la corruption), divorcé avec remords, se voit confier le convoyage à travers le pays d'un comptable poursuivi par les mafieux du coin et par le FBI. De pièges en galères, notre couple mal assorti (lui, âpre au gain, malin comme un singe et bourrin comme un bourrin ; lui, plus fin, peu taillé pour l'action) va apprendre à éviter les balles, et développer au bout du compte, ô surprise, une forme de complicité. Scénario cousu de fil blanc, vu et revu et rerevu dans ce type de production, qui joue toujours sur les mêmes recettes. Certes, on apprécie de voir du pays, et on sourit de temps en temps devant la mine déconfite des seconds rôles quand De Niro leur joue un tour de derrière les fagots. Mais on reste dans un cahier des charges surfait, ne doutant pas une seconde de la réussite de l'entreprise, regardant tranquillement les dangereux bandits être déconfits et les austères agents du FBI prendre une déculottée. Mais, mais, mais, voilà, il y a la plus-value du film : son acteur principal, absolument parfait. De Niro sait jouer avec sobriété toutes les expressions du monde, et est irréprochable ici en petit mec un peu loser sentimentalement, mâdré comme un vieux briscard et légèrement borderline vis-à-vis de la morale. Rien que le regarder jouer justifie la vision de Midnight Run. Il trouve ici comme rarement un talent comique très "feutré", sans jamais juger son personnage, en le rendant toujours juste et crédible : on croit à ce privé un peu ringard, et aux coups fourrés qu'il met en place pour arriver à livrer son colis humain à minuit. La plus belle scène est celle, magnifiquement jouée par l'ensemble des comédiens, des retrouvailles avec son ex et de la confrontation avec une fille grandie sans lui : la gène face à l'adolescente, la colère qui ne s'exprime plus que par bribes, la honte, l'orgueil, tout ça passe dans ces tout petits regards en biais que de Niro balance sur la jeune fille. L'acteur rend très touchant ce petit film de série pas fin, pas très couillu, ni fait ni à faire, mis en scène en artisan mais sans génie.

Elephant Films (son Facebook) édite le film en DVD et combo DVD / Blu-Ray le 17 octobr. Cinétrafic nous a payé cette séance mais a oublié les pop-corns. Vous pouvez aller voir leur fiche pour rire franchement ainsi que la liste des meilleures atmosphères comiques

Midnight Run de Martin Brest - 1988

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