Décidément, la crise du covid a fait du mal. Entre autres calamités, ce film roublard réalisé pendant le premier confinement avec les moyens du bord, et qui tente d'utiliser les contraintes de celui-ci pour fabriquer un suspense. Soit donc une poignée de potes qui se réunissent virtuellement pour un apéro-skype, filmé tel quel est dans son plus simple appareil : des fenêtres d'ordinateurs qui s'ouvrent, des plans fixes sur des personnages (tout ce que la télé a fait de plus horrible depuis trois-quatre ans : Youn, Demaison, Fleurot, De Groodt, Farès). Après les dialogues convenus d'usage, un ravisseur fait brusquement irruption chez l'un d'eux et le prend en otage flingue en main. Qui est-il ? Que veut-il ? Pendant 80 minutes interminables, il va remettre en cause les relations amicales, régler les comptes et faire s'écrouler le bel édifice social. Pourquoi pas, se dit-on pendant trente secondes. C'est une manière d'utiliser les contraintes pour fabriquer de la fiction, et on veut bien suivre Boulanger sur ce terrain-là, d'autant que ce principe de regard "objectif" de l'écran d'ordinateur a déjà fait ses preuves dans d'autres films (Unfriended notamment), et qu'on peut trouver dans ce principe un discours intéressant sur le regard du spectateur, le hors-champ, le suggestif, etc.

Il nous faudra déchanter très vite : le film, fait au rabais, ne profite d'aucune de ces pistes, et se contente de fabriquer un suspense pêté sur une situation de vaudeville antique. Acteurs en-dessous de tout, qui lisent de toute évidence un prompteur (qu'on aperçoit parfois dans le reflet de leurs lunettes), mise en scène absente, mystère dans les orties (qui n'avait pas deviné au bout d'un quart d'heure l'identité du ravisseur ?), musique au petit bonheur la chance, le film est une catastrophe écrite en une demi-minute sur une table de resto. Les scènes s'étirent au-delà du supportable, on s'ennuie à mort, mais jamais l'auteur (le mot est fort) ne prend pourtant le temps de construire des personnages, de densifier son suspense. On ne croit pas une seconde aux liens d'amitié qui lient les personnages, tous pourris et laids, qui passent leur temps à se trahir, s'humilier, s'engueuler les uns les autres sans aucune trace de tendresse ou de complicité. Il faut dire qu'ils sont portés par des acteurs qui ont dû bosser un quart d'heure sur leurs personnages, et qui les réduisent à des ombres caricaturales et hystériques franchement déplaisantes, en annonant des dialogues jamais drôles, jamais fins, toujours cyniques et creux. Quand vient enfin la résolution finale (COMMENT ? C'était lui ?), on soupire devant la triste vision du réalisateur, devant ce manque d'amour total face à ses acteurs et ses personnages, devant l'indigence de sa mise en scène, devant le bâclage très gênant du film, devant les inspirations très télé-poubelle de tout ça, devant le triste étalage de la beaufitude café-théâtrale de province de son regard. Bon, on aura au moins chroniqué un film avec Michael Youn. Vivement le déconfinement.

Connectés de Romuald Boulanger - 2020

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