Elle est très bien, Alba Rohrwacher, et je crois que ma critique peut s'arrêter là. C'est à peu près la seule chose qu'on peut dire de ce film digne et sérieux comme un empereur. Il faut dire que le décor de fond, c'est l'Albanie rurale et ses traditions ancestrales, genre chanter des chansons ridicules quand un type meurt, ou tabasser des femmes dès qu'elles portent un fusil. Pas de quoi rigoler. Dans ce contexte, Hana, jeune fille orpheline récupérée par un gars du coin, prend une décision assez radicale. Suivant un rite un peu mystérieux autorisé à partir du moment où on manque de mâles dans le pays, elle devient un homme ; c'est-à-dire qu'elle peut à son tour porter un fusil, boire des bières et coller des beignes aux femmes. En échange, c'est ballot, elle fait vœu de chasteté. Le film l’attrape au moment où elle quitte l'Albanie pour rejoindre sa sœur adoptive en Italie, changement de vie qui va la plonger dans une remise en question identitaire et sexuelle : et si, finalement, au fond d'elle-même, elle était restée une femme ? Et si le désir charnel pouvait ressusciter en elle ? Et si elle se décidait à lâcher son austérité pour s'ouvrir à la vie ?

C'est froid comme la neige albanaise, complètement dénuée de la moindre distance, du moindre humour. Bispuri se concentre sur son héroïne, aussi gaie qu'un Ehpad, et invite son film à la suivre dans son austérité et sa lenteur. Hana est une véritable autiste, ne communiquant pas, ne parlant pas, ne réagissant à aucune impulsion, ayant fait taire tout désir en elle. Le film lui ressemble, occultant toute forme d'incarnation physique, ne montrant jamais un corps (sauf dans les toutes dernières séquences, avec ces nageuses synchronisées par ailleurs montrées assez laidement), évitant soigneusement d'évoquer le désir, la chair. Sur un sujet pareil, ça fait un peu tâche. Certes, la réalisatrice sait filmer en plans américains : il y a parfois comme ça de belles intuitions, comme ce plan d'Hana sur un bateau, celui-ci restant hors-champ et le déplacement de la jeune fille sur l'eau apparaissant presque comme magique. Certes, dans les flash-back en Albanie, elle fait preuve d'un sens de l’espace qui l'honore. Certes, elle respecte ses personnages, les aimant de toute évidence beaucoup, même si certains apparaissent dessinés de manière trop simpliste (l'amant maître-nageur, la communauté paysanne albanaise). Mais que tout ça est pesant, didactique, lourd. On demeure enseveli sous le jansénisme du style de Bispuri, qui confond dignité du regard et empesage. Un film de ciné-club : ce ne sont pas les meilleurs.

Vierge sous serment (Vergine giurata) de Laura Bispuri - 2015

Partager cet article