Voilà le film-défouloir de la rentrée, le genre de trucs qu'on regarde un peu honteusement, mais duquel on ressort avec une indéniable banane. Attention : tout ce qui pourrait avoir un rapport avec le cinéma considéré comme un art est absent de Sentinelle. On est dans l'ère de la déconnade en plein, où on se fout gentiment de la beauté du travelling ou de la précision d'un cadre. Si vous êtes un féru de Bresson ou de Tarkovski, vous pleurerez amèrement devant ce film qui n'a plus grand-chose à faire avec le cinéma, y compris celui à qui il fait référence le plus (les comédies de Zucker, Zucker et Abraham, qui, mine de rien, eux, avaient le sens du rythme, de la durée du plan). Mis si vous avez accepté que le cinéma est mort, que la télé et le divertissement ont eu raison de lui, alors vous vous éclaterez devant cette énorme farce vraiment poilante par endroits, qui ne repose que sur un élément : Jonathan Cohen. Il fait toute la qualité du bazar, la seule pourrait-on dire, mais sa folie et son talent suffisent à notre bonheur. Il interprète ici un flic incompétent et débile, peureux et maladroit, totalement dénué de flair, mais qui a acquis une certaine aura sur l'île de la Réunion où il officie : il est chanteur populaire, surtout à cause d'un ancien tube qu'il a du mal à assumer aujourd'hui ("Le Kiki"...). Pris dans une sombre histoire de meurtres en série sur laquelle il est envoyé, mais bien plus préoccupé par la sortie de son nouvel album (la chanson-titre est une merveille de parodie de tous les chanteurs à la con du moment), notre homme va à l'arrache faire le taff, principalement parce qu'il est aidé par son adjoint bien plus malin que lui (Raphaël Quenard, de tous les bons plans en ce moment).

5 gags à la minute, 1 seul qui passe, 4 qui laissent de marbre, mais on s'en fout : il y a un tel plaisir à chercher notre rire, un tel enthousiasme à faire le couillon, qu'on ne peut qu'admirer l'énergie de Cohen. Il est de tous les plans, et à chaque fois, il est parfaitement juste dans le registre de l'idiot fier de lui. Soutenu par un Quenard assez subtil, qui lui laisse le premier plan, parfait faire-valoir, il est en sur-forme à chaque séquence. On se moque complètement de l'histoire, et on se laisse aller à cet humour régressif qui rappelle les comédies américaines récentes, en admirant par exemple la longueur de certaines scènes, poussées jusqu'au bout du bout de leur absurdité, les mimiques crâneuses de l'acteur, la dynamique des scènes d'action au sein desquelles les réalisateurs parviennent toujours à mettre en avant un petit gag en passant. Il y a des gros coups de mou dans le film, toute la fin est ratée, les seconds rôles (Emmanuelle Bercot entre autres, mais Ramzy Bédia fatigue aussi) sont inintéressants, on s'ennuie même parfois mais on ne peut s'empêcher de se taper sur les cuisses devant les inventions de jeu de l'idole. Enlevez Cohen du truc, le film n'a plus aucun intérêt ; avec lui, ça marche à mort. (Gols 15/09/23)

C'est vrai, j'avoue, que les dix premières minutes m'ont laissé hilare, les boulettes de Cohen (un flic à la gachette facile - réalité ou fiction ?) et le tournage de ce clip vidéo (Cohen, penchant la tête sous le capot du piano pour être dans le champ, c'est magique) plient littéralement en deux. Cohen + un tournage à la Réunion (on voit très bien Saint-Denis en ouverture... puis pfiuttt malheureusement, le cadre est de moins en moins bien exploité) + un Gols positif avaient eu raison de moi : ok, testons. Bon, c'est vrai que par la suite, malgré une trame qui se donne la peine d'avoir deux trois rebondissements, les rires s'estomperont. Cohen continue de faire le job (en planque, il se fait un petit concert solo dans sa bagnole de flic avec jeux de lumière - c'est n'importe quoi, cela finit quand même par nous faire doucement ricaner), Quenard est en effet une nouvelle fois nickel, parfait contrepoint aux délires de Jonathan, mais le reste part en effet un peu en queue de boudin (les autres flics, tous branleurs et grossiers, Ramzi mauvais comme un cochon qui se fait voler la vedette par sa propre marionnette, Bercot hystérique...). "Est-ce que je regrette ?" Non, pas totalement car cette chanson raisonnera encore dans ma tête dans mes longues nuits d'insomnie... Plus sérieusement, une comédie qui vrille mais qui, au moins, parvient parfois par un certain sens de l'absurde par nous faire golerie - c'est toujours plus réussi et plus audacieux que 98% des comédies françaises qu'on ose nous balancer sur grand écran. Sentinelle - ni regret.(Shang 17/09/23)

Sentinelle de Hugo Benamozig et David Caviglioli - 2023

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