Après le savoir-faire à l'américaine (Indiana Jones), voici un exemple du savoir-faire à la française. Il me semble que la question est vite répondue. Prise la main dans le sac d'un illustratif Larousse pour collégiens priapiques, Véra Belmont réalise une biographie hagiographique et romancée de Marquise du Parc, épouse mutine de la troupe de Molière, et le résultat est au-delà du consternant. La réalisatrice a dû lire quelque part que Louis XIV chiait en public, que Molière grimaçait, que Racine était élégant et que les marquis de l'époque étaient ridicules de préciosité : ni une ni deux, la voilà qui s'embarque dans une reconstitution grand crin, faite de tous les clichés de l’époque qu'on peut ramener si on se contente d'une première lecture. Le roi Soleil se videra comme il se doit avec un flegme royal (Lhermitte en contre-emploi un peu aberrant), Molière sera une sorte de De Funès en pas drôle (Giraudeau est pénible), Racine sera un modèle de raffinement (Wilson, qui s'en tire honorablement), la cour une basse-cour de caquètements et de médisances comme on s'y attend. Le tout au milieu de la boue et de la poussière, puisqu'on est au XVIIème, et qu'il n'y avait pas le tout-à-l’égout elle l'a lu dans Tout L'Univers. Au milieu de tout ça s'ébroue comme un jeune poulain (animal dont elle adopte aussi l'intelligence de jeu) Sophie Marceau en Marquise, jeune provinciale fatale qui va rendre fou chacun des personnages de cette histoire : depuis Gros-René (Timsit, nullissime) jusqu'à Racine, la belle roule des œillades à faire frémir un lecteur de Podium Magazine, danse (mal) en balançant ses gambettes, et apprend que le jeu théâtral peut s'éloigner des canons superficiels de l’époque et approcher l'humain ("A chaque fois que tu joues, tu dois mourir", dit-elle en substance, et cette sentence adolescente est consternante). Belmont affirme sans complexe que la belle a inventé le jeu naturel, et Marceau de la suivre en jouant "moderne" les vers du Jeannot contre toute logique historique. Bien sagement, Belmont aligne les anecdotes et les personnages historiques, les faisant incarner par quelque figure plus ou moins connue, dynamite un peu le corset scolaire dans lequel elle s'enferme elle-même en fabriquant des anachronismes gros comme elle, et croit s'en sortir avec les honneurs, intéressant aussi bien les élèves de 5ème en sortie cinéma que les adeptes de Molière, les spectateurs cultivés type Télérama et les amoureux de la grosse rigolade. Or, elle échoue dans tous les objectifs qu'elle se fixe : trop crétin pour être pertinent historiquement, son film s'apparente très vite à un défilé de stars déguisées tirant tous la couverture à soi ; pas assez fun, son aspect débridé et comique est complètement raté ; campés par des acteurs mal dirigés et cabotins, les personnages ne sont que des illustrations des réels. On s'ennuie du coup comme un castor décédé (ça change), et on se rabat sur le magnifique podcast de France Inter qui nous en apprend plus en deux minutes que Belmont en deux heures sur l'époque de Molière.

Marquise de Véra Belmont - 1997

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