Toujours aussi réactif, Shangols se plie en quatre (de rire, dans ce cas-là) pour honorer les cinéastes fêtiches de nos lecteurs. Ce Batmanglij a eu il y a peu des éloges dans les commentaires de ce blog, nous nous devions donc de jeter un oeil sur son oeuvre. Bien, introduction terminée, maintenant développement. Euh... il faudra que le commentateur en question me renseigne sur ce qu'il a trouvé de bon dans ce film formaté et nazouille, parce que moi, à part la comédienne (Brit Marling) vraiment pas mal, je reste dubitatif. Il est question une énième fois d'une infiltration, en l'occurence celle d'une espionne privée au sein d'une communauté mi-hippie mi-écologiste mi-terroriste qui sévit contre les multinationales polluantes. Chez Walsh, Hitch ou Scorsese, ça a déjà donné de bien belles choses, l'infiltration, alors pourquoi pas ?

C'est donc la petite Marling qui s'y colle, et qui s'y colle très bien puisqu'au bout de 2 minutes 30 environ, les baboss lui jurent allégeance, lui roulent de gros palots et la mettent au jus de toutes les arcanes de leurs activités. On reconnaît d'ailleurs assez facilement les terroristes écologiques : ils sont tous beaux, ont des pulls déchirés et vivent dans des cabanes au fond de la forêt où la lumière est rasante et tombe pile sur leurs yeux tourmentés. Ils sont gentils. On reconnaît tout aussi bien les méchants (les capitalistes) : ils travaillent dans des bureaux froids, n'ont pas de sentiment et sont maquillés en gris perle. Marling n'a donc pas beaucoup de chances de se tromper, et elle infiltre. Bien sûr, elle va se rendre compte que ces sympathiques activistes se battent pour des causes nobles, qu'ils sont solidaires (une scène hilarante de nourrissage mutuel à ne pas manquer dans les débuts, et une autre de cérémonie païenne autour du feu incontournable, José Bové en avale sa moustache) et baisent ensemble, et comme ils se promènent en plus pieds nus dans la forêt (comme tous les écologistes), elle commence à douter de sa place du bon côté du manche. D'autant que le chef du groupe (qui change de coiffure d'un plan à l'autre, c'est très drôle) lui fait de l'oeil. Mais Batmanglij a lu Camus, et il sait que la fin ne justifie pas forcément les moyens, qu'on peut se battre pour la justice tout en étant injuste, et que s'il veut que son film ait plus de deux spectateurs (le commentateur de Shangols et moi), il va falloir qu'il vise les projections au lycée : voici donc le bon gros "filmatèze" qui fait son retour, épais comme une bûche de Noël et tout aussi lourd.

On pourrait s'en foutre, de ce scénario aussi crédible que le programme de Hollande. Même, on apprécie de se taper sur les cuisses devant les invraisemblances de la trame (oh le méchant capitaliste à punir est mon PERE, nooon !!! quoi, j'ai été empoisonné au Kenya (?) par cet infâme médicament, impossiiiiible !!!), les psychologies à deux balles (le personnage du petit copain normal est proprement impossible à comprendre) et les situations prévisibles 17 minutes à l'avance. Mais la mise en scène de Batmanglij est elle-même tellement maladroite et indigente qu'on préfère plutôt rester bouche bée : montage incompréhensible, faux raccords érigés en un des Beaux-Arts, décors et lumières photocopiés du premier chapitre de "Un premier film pour les nuls", dialogues affligeants, rapport à l'espace qui confine au labyrinthe borgesien... Tout est raté là-dedans. Pour ma part, j'ai fait mon travail en mettant Batmanglij dans notre colonne de gauche, mais ne comptez pas sur moi pour l'étoffer. Mes saluts fraternels pour autant à notre cher commentateur qui a apprécié ce film.

The East de Zal Batmanglij - 2013

Partager cet article