Mouaif, pas grand-chose de vraiment consistant dans ce western des débuts, si ce n'est qu'on y voit le bon vieux William S. Hart dans son dernier rôle, ce qui a le mérite de me faire découvrir William S.Hart et de lui faire mes adieux. Le bougre aura même cette phrase désolée et anticipatrice de sa chute : "L'Ouest, c'est fini, les gars", susurrée tristement devant le dernier troupeau de boeufs quittant la prairie sous son escorte. Notre homme interprète en effet un éleveur cédant le terrain à des fermiers bien décidés à s'emparer des parcelles accordées par l'Etat. C'est la ruée : à midi, le canon tonnera, les chevaux seront lâchés et les premiers arrivés sur place pourront s'installer. Atmosphère tendue, donc, d'autant que dès le départ le gars Hart, bien décidé à participer à la course, se met à dos deux félons de la pire espèce qui vont tout faire pour lui faire perdre ses rêves de propriété. Il rencontre aussi la petite Barbara Bedford (étrange physique) avec qui il rêve de s'établir. Notre héros parviendra-t-il à se débarrasser des deux salopards, à s'évader de la prison dans laquelle il est injustement enfermé, à éviter la corde, à sauver veuves, orphelins et chienchien, à conquérir sa belle et à buter enfin ce serpent à sonnette ? Bon, on le sait un peu d'entrée de jeu, puisque Hart vient au début du film nous raconter cette histoire en long et en large, scène parlante ajoutée en 1935 : oui, il va y arriver, et avec panache en plus.

Pendant une heure, on ronge son frein. On attend le point d'orgue de la ruée, dont on sent bien que ce sera le point d'orgue de la chose. Alors on patiente en regardant les sympathiques seconds rôles, le vieux briscard contraint de porter un bébé dans ses bras, la colone (le féminin de colon, non ?) forte comme un boeuf qui lui fait les yeux doux, ou le gentil garçonnet et son chien trop chou. Il faut dire que Hart n'est pas l'acteur le plus brillant de sa génération, et qu'il a du mal à faire croire à son personnage bizarrement écrit : de temps en temps austère et droit comme un poteau, archétype très clicheteux du cow-boy héroïque ; d'autre fois pitoyable et comique. Pas d'action dans cette première heure, drames et tragédies se déroulent dans un calme olympien. Si on a bien ça et là quelques plans un peu valables (les immenses troupeaux de boeufs, la séquence de la fête échevelée, la bagarre dans l'abreuvoir...), on se dit que ce King Baggot n'a pas compris grand chose à la puissance de son art, et on revérifie que le film figure bien dans l'encyclopédie de Patrick Brion (justification de son intérêt a priori).

Heureusement ça part brusquement en flèche sitôt le coup de canon envoyé. Tout à coup, le film devient trépidant, monté au taquet, et on se met enfin à écarquiller les yeux. Il faut dire que le gusse sait faire exister tous ses plans, montrant ici des chevaux au triple galop fendant la poussière, là des gars montés sur des vélocipèdes de grand-mère, ici un couple de vieux priant notre Seigneur de leur accorder une terre, là des chariots volant en l'air dans les crevasses. Quelques minutes palpitantes qui rattrapent tout le film, celui-ci retombant ensuite assez vite dans le plan-plan du début (jamais vu des méchants aussi passifs). Un bout d'Histoire, quoi, disons, et puis les yeux globuleux de Barbara et quelques jolis plans de chevaux...

Go old west, here

Le Fils de la Prairie (Tumbleweeds) de King Baggot - 1925

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