Violence et éveil adolescent c'est le programme que nous propose Avila dans ce film dans un contexte très politique (je me suis tapé deux heures de conférences sur les dictatures en Amérique latine et cinéma ce matin, je suis intouchable) : sont évoqués en effet les sombres heures de l'Argentine à la fin des années 70 ; un couple, parti en exil au début de cette dictature, revient avec deux gosses (notre héros Juan - en hommage à Juan Peron, forcément - et un bébé) en leur contrée d’origine pour mettre en place la rébellion... Une décision pour le moins courageuse et forte. Les parents changent d'identité pour tromper l'ennemi, Juan devient Ernesto (je ne vous ferai pas l'injure de) et ce dernier se met à fréquenter l'école du coin ; seulement attention, interdiction pour lui de parler de son passé et de trahir les activités clandestines de ses parents... Si la tension est palpable quand il est chez lui, le gamin peut malgré tout commencer à s'ouvrir au monde et à se détendre à l'école : il commence à flirter avec une chtite, une attirance subite qui lui ouvre tout un univers. Seulement voilà, la réalité a toujours une putain de tendance à rappeler sur terre les doux rêveurs et ce dès le plus jeune âge...

Avila n'est pas avare d'idées pour évoquer l'ambiance électrique de cette époque : si cette famille est confrontée au quotidien à cette tension avec l'extérieur, à ce danger évident qui risque à tout moment de les annihiler (une trahison et pffft), les tensions au sein même de la famille rendent la situation pour le moins explosive ; le père de Juan et son oncle n'ont de cesse de s'opposer (ils sont dans le même camp, ont le même but, mais leur style s'oppose ; le père, rigoureux, pur et dur, est triste comme une porte de prison ; l'oncle, provocateur, trompe-la-mort est gai comme un pinson) ; la mère de Juan et sa grand-mère ont tout autant de mal à communiquer (une question d'idéaux, cette fois, avec cette jeune femme engagée, active et cette grand-mère craintive et passive)... Bref, Juan/Ernesto est à rude école et, comme boosté par ce contexte politique des plus agités, grandit très vite. L'autre pan de ce film se concentre en effet sur le récit initiatique de ce jeune homme et ses premiers émois amoureux... Ce contexte pour le moins enfiévré pousse notre jeune garçon plutôt réservé au départ à la fois sur la voie du romantisme grand crin et sur celle de l'aventure : Ernesto, sors de ce corps... Un scénario pour le moins ambitieux du gars Avila qui tente d'évoquer toute une époque par les yeux de ce gamin innocent et curieux. Le film se déroule constamment à la frontière entre cette réalité tragique et ces premiers fantasmes adolescents ; si le premier aspect est finalement évoqué de façon un peu lapidaire et succincts (quelques scènes de violence évoquées façon BD comme si, une nouvelle fois, ils étaient "filtrés" par le cerveau du gamin), Avila semble mettre un peu plus de conviction dans ces petites saynètes d'éveil amoureux : sans être d'une originalité absolue, elle teinte ce film d'une petite dose de sensibilité à fleur de peau plutôt bienvenue. Une œuvre politico-romantico-tragique qui tente de distiller quelques petites notes de douceur et d’espoir dans ce monde de bruts. Pas si mal fait au final.

Enfance clandestine (Infancia clandestina) (2011) de Benjamín Ávila

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