Alvarez, récompensé cette année à Sundance, sort un peu des sentiers battus des premiers films en nous proposant cette "expérimentation" que n'aurait pas reniée un Laborit. Le principe est simple : pour la modique somme de 15 dollars par jour, tu motives 18 jeunes gars à jouer au gardien et prisonnier pendant deux semaines. A l'aide d'une petite pièce, tu tires au sort ceux qui se verront affublés d'une jupette et d'un collant sur la tête (la plupart d'entre eux au départ avait fait part de leur volonté d'être "prisonnier" : moins de boulot a priori) et ceux qui auront le droit d'avoir un gourdin et des lunettes de soleil fumées de papa (on est au début des années 70). Une bonne partie de plaisir entre jeunes gens à la coule s'annonce... Tu parles... Le problème avec ce petit genre de jeu de rôles en milieu clos, c'est que l'on se prend un peu trop rapidement au jeu... Au risque de devenir à vitesse grand V aussi con qu'un couillon de la télé-réalité actuelle (qui a quand même une circonstance atténuante de poids : il n'était pas très fute-fute à la base). Sous l'oeil du responsable du projet (Billy Crudup, terrible en témoin extérieur qui jouit de sa passivité), la situation va vite dégénéréE (Beh, on avait dit pas de violence... Ta gueule, tu vas manger mon gourdin... Beh...)

Reconnaissons que les gardiens, pour la plupart, à peine ont-ils chaussé les lunettes de mon père qu'ils sont à fond dedans : non seulement, ils sont fiers d'être en position dominante mais ils ne sont en plus jamais à court d'inventions pour humilier ces petits enfoirés de prisonniers consentants. Le petit jeu, qui fait sourire bêtement au départ les personnes incarcérées réduits à de simples numéros, ne devient rapidement plus tellement amusant... Le sourire devient jaune et la colère, pour ne pas la rébellion ne tardent pas à éclater. Le monde est un injuste, ma bonne dame (les dominants, les opprimés... interchangeables pour le coup : le hasard souvent d'être né du bon côté, ce qui nous ramène à la pièce de monnaie), mais en huis-clos, on a en prime l'effet cocotte-minute. Les gardiens, forts de leur avantage au niveau des moyens (gourdins, gaz...) reprennent vite la main sur la situation et humilient de plus en plus leurs proies. Certains craquent en deux temps trois mouvements, Billy Crudup, l'enfoiré, exulte : sa petite expérimentation dépasse toutes ses attentes, l'être humain est ma foi plein de ressources dans la vacherie comme dans la malice...

Alvarez déroule son histoire avec une certaine intensité au départ (sans grand moyen, on est vite pris dans le tourbillon de cette violence brute de pomme) : on s'attendait à ce que ce petit jeu prenne cette tournure, mais on est surpris, tout comme Crudup, de la rapidité avec laquelle chacun assume son rôle à la perfection (le gardien pervers, le gardien pépère, le prisonnier rebelle, le prisonnier qui se chie constamment dessus). C'est tout de même ensuite un peu longuet... Alvarez tente de retrouver un second souffle en se concentrant sur la team réuni autour de Crudup, malheureusement, force est de constater que cela n'élève guère le débat (il y a ceux qui prennent un plaisir pervers à pouvoir manipuler ces pauvres prisonniers, baste... contrairement à un Laborit dans Mon Oncle d'Amérique, on ne cherche jamais à vraiment disséquer, à expliquer, à relativiser les réactions de chacun). Du coup l'expérience paraît un peu vaine : on s'est fait plaisir à démontrer la face sombre de l'être humain lorsqu'il se retrouve en position de supériorité mais cela ne va pas péter bien loin (on avait déjà vu Star Wars en plus...). Belle idée originale au départ mais un Alvarez qui garde un peu trop le nez collé sur son dispositif initial sans chercher à l'exploiter en profondeur... Une prison une étoile.

The Stanford Prison Experiment (2015) de Kyle Patrick Alvarez

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