Black Mother est une œuvre qu'on pourrait qualifier d'assez "flottante" (... pas mieux) signée du photographe et vidéaste Khalik Allah . "Flottante", disais-je, car on ne cesse de surfer sur des apparences, des visages, des personnages, des paysages et ce alors même que la bande-son enchaine des interviews, des prières, des discussions plus ou moins directement liés avec ces "photographies en mouvement". Allah filme/photographie (les personnes prenant souvent la pause face à son objectif - d'où ce petit sentiment d'incertitude) son pays d'origine, la Jamaïque, un pays qu'il tente d'aborder, de nous faire découvrir sous de multiples angles. Il est beaucoup question de femme, de femmes de nuit (le terme semblant ici mieux convenir que femme des rues - je ne saurais trop vous expliquer pourquoi), de mères, de femmes qui accouchent (une dernière séquence que je ne conseille pas aux âmes sensibles et en particulier à moi-même), de jeunes filles... mais attention pas que. On découvre également des visages d'hommes souvent marqués, des Rastamen comme tu pensais même pas pouvoir en croiser un jour dans tes rêves (des dreads plus longues que la queue du marsupilami - c'est mon échelle), des vieux avec des mains plus plissés qu'un parchemin (photogramme ci-joint pour le plaisir), des borgnes, des clodos, des sages, des dragueurs... On a forcément droit à quelques "clichés" sur la zone (des "plans" sur de la marijuana, marijuana fumée par des types aux cheveux qui poussent à vue d'oeil) mais le cinéaste est loin de ce limité à ce champ (de chanvre) d'exploitation. L'homme noir se retrouve souvent au centre des débats - politiques et historiques -, un thème que l'on retrouve d’ailleurs sur les couvertures de plusieurs livres exhibés par des quidams.

Il est donc question ici de la condition de la femme, de l'Histoire de la Jamaïque, de la religion (sujet, avec notamment le sermon qui est fait lors d'un enterrement, qui occupe toute la dernière partie ; l’ambiance devient, avouons-le ; un peu plombante - ce genre de concept de film est de toute façon difficile à tenir sur plus d'une heure sans tomber sur des redites, des baisses de tension) mais également divers thèmes plus ou moins inattendus : on célèbre notamment les fruits et légumes de cette terre riche en faisant ensuite un parallèle juteux avec les petits Chinois qui ont envahi les commerces locaux (ah !) avec leurs produits trafiqués de merde (ohhh !) - mieux vaut fumer de l'herbe pure que d'acheter un produit chinois, c'est apparemment définitivement moins toxique sous ces cieux. Certaines images, certains regards, appuyons-le, sont proprement sidérants et permettent parfois de voir en quelques secondes toute l'âme d'un pays ; on avoue tout de même avoir parfois un peu décroché, à cause notamment de cette voix off un peu trop omniprésente, en particulier lors de périodes liturgiques un poil gonflantes. Une œuvre qui demeure malgré tout hypnotisante dans sa première moitié : c'est pas tout le monde qui peut s'en vanter, notamment lorsqu'un aucun fil narratif n'est tendu.

Black Mother (2018) de Khalik Allah

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