Un film qui fait partie de la "collection du Ministère de l'agriculture" et où les petites filles sont habillées par "Mignapouf" ne peut pas être foncièrement mauvais. Bon, on n'est pas face à un chef-d'oeuvre du muet, disons-le tout de go, mais cela permet tout de même une véritable petite bouffée d'air campagnarde - ce qui ne fait pas mal puisque à l'heure où je vous parle les routes sont toujours barrées et l'orage fait rage (trouvez mon département ; gagné, c'est le dernier). Peau de Pêche est donc un jeune bambin qui rougit à l'envi ; élevé par une mégère (la tronche de l'emploi), ce petit orphelin de Montmartre est toute émerveillé, à la sortie d’une église, par une jeune mariée ; elle se prend d'affection pour lui, le cajole mais la vieille salope de mégère profite de l'opportunité pour voler la montre de cette riche femme ; Peau a la honte et part à la campagne chez de lointains cousins ; labour, moisson et gazouillis dans la rivière sont les trois mamelles de la France profonde. Peau grandit, défraichit un brin et se prend d'amour pour la fille de la maison... pas de bol, elle semble plus attirée par le meilleur pote de Peau, La Ficelle. Peau est chagrin, son petit cœur est sec comme un noyau. Mais il n'est pas dit qu'il n'y aura pas de happy end à la chose...

Petit tour de Montmartre avant de s'installer solidement dans la vie des champs, ce sont des visions en toile de fond vintage toujours sympas ; Benoît-Lévy & Epstein, à un niveau plus technique, sont relativement fans des transparences et en usent volontiers au gré des métaphores (le gamin rêvant dans sa chambre de la jeune mariée ; les croix du cimetière aussi nombreuses que les meules de foin après moisson...) ; car oui, tout cela se passe pendant la guerre et la vie campagnarde, sans hommes, est un peu morose - d'autant que les morts s'empilent ; cela n'empêche toutefois point l'ami Peau de Pêche de rapidement trouver ses marques dans ce cadre bucolique ; il se fait un pote, apprend à manier la charrue comme moi une paire de ciseaux et respire enfin l’air pur... Seulement voilà, la mélancolie finira par le reprendre (l'acteur a vraiment une tête de Pierrot Lunaire sous gastro), dès lors qu'il sent que la petite Lucie, la reine de beauté du village (une jolie oie blanche), lui échappe. Cela teinte le film d'un nouveau voile de tristesse, la mère fermière ayant perdu juste avant son gars à la guerre... Les croix des soldats morts ne cessent de faire leur apparition comme pour mieux célébrer, parallèlement, la joie d'être vivant sur cette bonne vieille terre plutôt fertile. On sent que le ministère de l'agriculture en a pour son argent tant les cinéastes cherchent à filmer la campagne dans toute sa gloire. Au-delà de ça, un récit un peu cousu de fil blanc sur un héros bien timide oxygéné quelque peu par l'odeur des blés. Deux houes.

Peau de pêche (1929) de Jean Benoît-Lévy & Marie Epstein

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