La Vie de ma mère de Julien Carpentier - 2024
Agnès Jaoui interprète une bipolaire. On pourrait s'arrêter là dans la destruction de ce film infâme, tant cette phrase pourrait constituer un frontispice à l'entrée de l'enfer. Mais notre coutumière rigueur nous oblige à pousser un peu plus loin la critique, et du coup la colère. Certainement empli de tendresse envers sa propre mère, Julien Carpentier décide de nous proposer ce film qui veut nous faire partager ses affres. Le voilà donc dressant la chronique sur une poignée d'heures d'une relation fils fatigué-mère toxique : elle vient de s'échapper de l'hôpital psychiatrique et retrouve ce fils qu'elle n'a pas vu depuis deux ans ; il est pris dans le tourbillon de la vie, et n'a guère le cœur à s'occuper de cette mère incontrôlable et chiante. Vaille que vaille pourtant, voyez-vous ça, ils vont vivre une journée pleine de tendresse et de rires, où ils vont contempler la mer, regarder les étoiles et chanter du Julien Clerc, avec à la clé la compréhension mutuelle et la paix familiale retrouvée.
C'est donc Jaoui qui interprète cette mère borderline, et dire qu'elle est mauvaise est un euphémisme. Allant au plus court, elle donne de la bipolarité une vision schématique, et finit par lutter contre son camp : c'est juste une femme chiante et capricieuse, et d'entrée de jeu on déteste son personnage. Le fils (William Lebghil) choisit un jeu sobre face à cette furie, ce qui parait logique ; mais très limité dans son jeu, il n'offre qu'une ombre de faire-valoir à sa partenaire, qui joue toute seule. Ajoutez une poignée d'acteurs insanes (Alison Wheeler est la pire), et vous avez déjà un film assez irregardable. Mais Carpentier en remet une louche avec sa mise en scène dégueulasse. Le gars a la trentaine, il filme déjà comme mon grand-père (qui était marchand de vin), et on se demande bien ce qui a pris aux producteurs de laisser sa chance à ce petit vieux dans un corps de jeune, qui fait du cinéma comme on n'en fait plus depuis les soirées débat sur Antenne 2 : champ contre-champ immondes montés au petit bonheur, cadres sans arrêt flous, rythme dans les baskets, on est affligé par la forme de ce bazar qui aurait mieux trouvé sa place à la télé. L'écriture du bougre, qui convoque systématiquement toute la panoplie du film "tendre mais dur sur un cas psychologique", accumule les scènes à faire : il y a la scène de variété ringarde, la scène de tension, la scène de fusion familiale, la scène de pleurs, la scène rigolote, la scène de complicité, la scène de rappel du passé... tout ça prévisible deux minutes à l'avance. Le film se termine dans une sorte d'osmose où tous les personnages rigolent dans la chaleur d'un foyer reconstitué, et nous on a juste envie de coller des baffes à ce réalisateur pour nous avoir imposé sa psychothérapie sur 1h40 et pour l'avoir fait aussi mal. Un gros navet bien gras.