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9 janvier 2024

LIVRE : A la Recherche du Temps perdu V - La Prisonnière de Marcel Proust - 1923

"... c'était grâce à elle (Albertine), par compensation, qu'avait pu venir jusqu'à moi l'étrange appel que je ne cesserais plus jamais d'entendre - comme la promesse qu'il existait autre chose, réalisable par l'art sans doute, que le néant que j'avais trouvé dans tous les plaisirs et dans l'amour même, et que si ma vie me semblait si vaine, du moins n'avait-elle pas tout accompli."

9782253082156-001-TSacré Marcel (ou sacré narrateur), qui n'a de cesse de cultiver sa jalousie au lieu de cultiver un quelconque amour véritable envers cette Albertine si docile, si coquine et si mâtine : rien n'exaspère plus notre narrateur que les mensonges dans lesquels finit par se perdre son héroïne même si, au final, cette jalousie exacerbée n'en finit jamais de titiller son attachement (plus que son réel "amour" ?) à elle. Il en fait des pages et des pages, notre ami, sur les suspicions qu'il a envers sa conquête de Balbec, finissant par cloîtrer celle-ci dans son propre appartement - mais sans parvenir toutefois à faire taire totalement ses doutes sur les désirs gomorrhéens de sa douce... Pour une poignée de lignes sur la beauté et la grâce d'Albertine (les portraits de femme de Proust... tout un poème...), des tonnes et des tonnes de paragraphes sur cette capacité du narrateur à se monter le chou, à se prendre la tête, à chercher à feindre la séparation pour mieux se donner l'impression de garder la main, d'avoir le choix sur le moment de leur séparation. Il ne sait plus quoi faire pour la décevoir, pour se décevoir, finissant presque à trouver une sorte de plaisir malsain à imaginer le pire : "Comme un homme qui n'avait d'abord que des motifs peu importants de se fâcher se grise tout à fait par les éclats de sa propre voix et se laisse emporter par une fureur engendrée non par ses griefs, mais par sa colère elle-même en voie de croissance, ainsi je roulais de plus en plus vite sur la pente de ma tristesse, vers un désespoir de plus en plus profond, et avec l'inertie d'un homme qui sent le froid le saisir, n'essaye pas de lutter et trouve même à frissonner une espèce de plaisir." Une sorte de sadisme de la jalousie, pour le moins.

Mais il se passe aussi énormément de choses dans ce cinquième tome avec la description par le menu de... ah oui, seulement une seule soirée (mais comme me disait mon mentor proustien à la fac, el professor Lioure, une soirée en condense dix-mille - j'opine) : une soirée chez les incontournables Verdurin où une œuvre inédite de Vinteuil va faire fondre notre narrateur (qui se fend encore une fois de bien belles pages sur la musique mais aussi sur la littérature : Dostoïevski, Barbey d'Aurevilly ou encore Stendhal sont à l'honneur) et où le comte de Charlus toujours amouraché de Morel va entonner au cours de cette soirée ce que l'on peut considérer comme son chant du cygne ; totalement autocentré, perfide envers tout un chacun, il va quelque peu oublier de rendre hommage à son hôte - un jeu dangereux, pour ne pas dire fatal, la mère Verdurin étant plus rancunière que moi dans mes grands jours... Le baron fait le mariole et tombe dans la rigole ; le narrateur observe de loin ces règlements de compte si sanglants dans cette si bonne société du paraître et de la molle noblesse. Ça charcle dans tous les sens et ce pauvre Saniette, entre autres, de sacrément morfler au passage - pas le droit à la moindre petite faiblesse dans ce monde gouverné par les réparties assassines et les rumeurs fangieuses.

Outre ces crises d'égoïsme farouche et ces prises de bec vengeresques, on retiendra également les passages émouvants sur l'animation des rues parisiennes (toute une poésie du bruit), la mort très "artistique" de Bergotte, ou encore cette passion du narrateur pour les "toilettes", comme disait ma grand-mère, ses petites visites chez la duchesse de Guermantes lui permettant d'obtenir de précieux conseils pour parer l'Albertine... Une Albertine, revenons-y pour conclure, qui incarne finalement à la perfection le désir fantasque de notre narrateur, qui s'en rapproche dès qu'elle lui échappe, qui s'en échappe dès qu'elle est trop proche, et qui, à force de trop tirer sur la corde va finir Gros-Jean comme devant - le geôlier finit prisonnier de ses propres tourments et revirements... On a hâte de partir sur les traces de notre fieffée fugitive...

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