Dream Scenario (2023) de Kristoffer Borgli
Kristoffer Borgli aimerait se voir dans la peau de Charlie Kaufman, c'est dommage qu'il n'en ait pas l'étoffe ni l'inventivité délirante... Pourtant tout commence plutôt bien avec cette délicieuse idée de tout ce petit monde qui, tour à tour, voit apparaître ce bon gars Nicolas Cage dans ses rêves ; le bougre est un bon bougre en soi, un prof en fac sans histoire et sans grand intérêt, un type chiant auquel sa femme et ses enfants ne font plus guère attention, un bon vieux cinquantenaire (fin de la cinquantaine... ok le type a eu soixante ans hier, ne chipotons pas) de notre époque... On rêve de lui, même si le type, quelle que soit la situation, ne fait absolument rien : qu'il y ait danger ou pas, le gars passe tranquille, l'air de s'en foutre... C'est un peu relou pour le Nicolas qui commençait à "se rêver" en héros - la bonne nouvelle étant tout de même que comme il n'a rien à jouer, il est jusqu'alors plutôt bon... Le petit dérèglement dans cette success story va arriver lorsque une certaine personne du sexe opposé voudra tenter de passer du rêve, du fantasme même... à la réalité (et l'idée n'est en soi pas si mauvaise). Nicolas se voyait déjà en sex symbol tout en haut de l'affiche mais ses flatulences (oui...) vont quelque peu rompre le charme - c'est le problème avec les flatulences, c'est jamais totalement approprié comme effet... Et c'est la chute libre, Nicolas devient (dans les rêves des autres) non plus un simple passant lambda mais un tueur sanglant, un personnage de cauchemar... Les rêves rattrapent cette fois-ci la réalité puisque celle-ci devient littéralement cauchemardesque pour notre héros... Dommage que dès lors Borgli soit à court d'idée, ; il tente bien de rebondir en essayant de piocher de pauvres idées dans un épisode raté de Black Mirror (... c'est du déjà vu, mon gars, du réchauffé, ta petite critique de la société de consommation toujours à l'affut de la récupe...) et, catastrophe, Cage, lors d'une scène (même pas franchement parodique...), commence à vouloir jouer les acteurs mélodramatiques : il retombe dans son ornière et redevient mauvais - ouf, on le reconnaît enfin, c'était bien jusqu'à maintenant un simple rêve... Une fin en queue de poisson, ce qui est tout de même un peu désolant car la première partie, avec quelques gags assez mignons ici ou là, avec ce Cage tout perdu qui commençait à y croire, ne manquait pas parfois de faire sourire. Un dream scenario pas totalement abouti, comme un mauvais rêve, quoi. (Shang - 18/01/24)
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Complètement d'accord avec la critique de Shang, qui m'ôte les mots de la bouche. Bon, pour ma part j'ai trouvé Cage mauvais de bout en bout : même quand il n'a à jouer qu'un figurant en arrière-plan, il en fait trop, il est grimaçant, c'est une catastrophe. Très mauvaise idée donc d'avoir voulu lui faire interpréter un homme normal, on ne croit jamais à son statut de prof. Effectivement, le début de l’histoire est inventif et attirant : que faire de ce petit Bartleby qui passe dans les rêves et ne fait strictement rien, à la fois un peu lâche par rapport aux situations et passif dans son rapport aux autres ? Belle idée que cette psychose collective qui fait de cet homme un socle commun aux rêves de tous, dont l'absence de caractère devient lui même la base de sa célébrité. pendant 20 minutes, malgré le manque de talent des acteurs, malgré les grosses baisses de rythme ici et là, malgré l'indigence de la mise en scène, on apprécie cette situation un peu abstraite, l'absurdité de la chose, et le fait que le film s'y accroche, fasse de cette idée loufoque le centre de son récit.
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Et puis patatras il y a cette scène malaisante avec la jeune fille qui veut transformer son rêve en réalité. Si la référence évidente est Vertigo d'Hitchcock, la mise en scène, elle, est plutôt à chercher dans la comédie grasse, avec ces pets qui viennent interrompre l'idylle, avec cette écriture très appuyée, avec cet aspect presque cartoonesque de la scène. Cage est là-dedans comme un poisson dans l'eau, c'est-à-dire mauvais comme un cochon ; et à partir de cette scène, le film va chuter peu à peu. Il n'était certes pas parti de très haut, mais au moins on avait un concept intéressant. Désormais, on n'a qu'un acteur qui cabotine, un scénario qui part en vrille, et une suite de séquences qui s'enfonce toujours un peu plus dans la surenchère. Borgli se tire une balle dans le pied, et transforme son idée de court-métrage en long pensum fumeux, pas drôle et mal joué. (Gols - 18/05/24)
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