Le Cercle des Neiges (La Sociedad de la Nieve) (2024) de J.A. Bayona
Un film historico-catastrophe pour bien commencer l'année ? Pourquoi pas, même si c'est sous l'égide de Netflix. Bayona (déjà évoqué en ses colonnes par Gols pour ses petites orphelines...) nous resserre l'histoire miraculo-horrifique de cet avion rempli de rugbymen uruguayens qui s'est écrasé dans les Andes... Survivre à un crash en montagne, c'est déjà beau, survivre dans des températures glaciaires au milieu de nulle part sans avoir rien à manger pendant plus de deux mois, c'est exceptionnel... Rien à manger ? Si, puisqu'il y a quelques morts... Après c'est une question d'éthique ou de survie... Bayona ne nous épargne rien des turpitudes subies par la vingtaine de survivants (froid, tempêtes, avalanches, blessures viles, manque de tout...) et l'on suit la chose en serrant des dents devant les multiples épreuves que ces pauvres sportifs du dimanche ont à affronter... Quelques séquences d'action spectaculaires (dont le crash), quelques séquences géographiques à couper le souffle (ces pauvres petits points noirs perdus au milieu de l'immensité blanche de ces montagnes dantesques) mais ce n'est pas non plus, bienheureusement, l'essentiel de la chose. Bayona qui, avec un certain tact avouons-le, traite des séquences incontournables de cannibalisme, se concentre avant tout sur les liens qui se tissent entre ces rescapés de l'impossible : chacun, même les blessés, même les mourants, même les morts, contribue à sa façon à la survie du groupe, qui en tentant des escapades vers l'inconnu, qui en essayant de réparer la radio, qui en découpant des petites lamelles de viande façon sashimi sur son lit de neige, qui en donnant l'espoir, le désir de vivre aux autres... C'est une façon de montrer que, alléluia, ce n'est pas seulement le corps des victimes qui aide ces êtres à survivre, mais aussi finalement leur âme défunte que chacun tente par la suite de "porter en lui" à l'image de cet individu qui porte autour du cou tous les colifichets des morts... Derrière le déchainement des éléments sur cette chaîne de montagne imposante, il y a une véritable chaîne humaine qui se met en place et c'est plutôt bien vu... Bayona, sans nier l'horreur de la situation mais sans s'en repaître non plus, livre une œuvre relativement haletante (même si on connaît plus ou moins la fin...), parvenant à jouer de certaines pistes narratives (le narrateur, ou les narrateurs, survivront-ils ?) avec un soupçon d'approche psychologique plutôt digne... Après, c'est pas d'une finesse psychologique à la Lubitsch, on est plus dans la logique du cliffhanger et du divertissement que dans le film âpre et ultra réaliste ; mais bon, pour ce genre de "produit", on ne fera pas la fine bouche. Qui reprendra des rognons ? (Shang - 06/01/24)
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Voilà, comme dit Shang, on n'est pas dans l'école de l'honnêteté à tout prix et de la documentation irréfutable ; mais bien dans celle de l'esbroufe, de la psychologie positive, de l'aventure et de la rentabilité netflixienne. On fermera donc les yeux sur ces personnages plus grands que nature, parvenant non seulement à survivre dans ce milieu hostile, mais également à rester humains, à consoler leurs semblables, à conserver une dignité de chaque minute, et à tenir des discours philosophiques vachement profonds (c'est là que je suis allé me recharger en bières). On doute un brin que tout ait été si doux et si lisse dans cette histoire, mais allez, on veut bien, le temps de deux heures, assister à des actes héroïques et contempler des personnages purs, du moment qu'on tremble un peu pour eux. De ce côté-là, reconnaissons que le film vous en donne pour votre argent en termes de catastrophes, d'espoirs anéantis et de drames. Je serais sans nul doute mort dans les deux heures en pleurant ma mère ; ces garçons survivent deux mois en suçant des glaçons, en se ramassant avalanche sur avalanche, en souffrant toutes les maladies du monde, en étant obligés de manger leur voisin, en se pétant bras et jambes sur la glace, en subissant des températures à -60°, et avec un cadreur qui vient les filmer à deux centimètres du visage. Très beaux paysages, oui, gros budget drones et hélicos (du coup, ça permet de payer moins les acteurs, qui sont très mauvais), on en prend plein les mirettes pour pas plus cher. Deviner là-dessous un nouvel Herzog serait quand même pousser un peu loin le bouchon ; mais en termes de dépaysement et de divertissement de samedi soir, c'est pas si mal. (Gols - 20/03/24)